Alors que le phénomène était connu depuis les années 30, ce n’est que récemment que l’obsolescence programmée a émergé sur la sphère publique européenne.
C’est seulement en 2008 que le terme est apparu lors d’un débat du parlement européen par la voix de l’ancienne parlementaire irlandaise, Kathy Sinnot, lors d’un débat sur l’accréditation et la commercialisation des produits. Elle plaidait pour que dans les critères d’accréditation puisse être ajouté « l’éradication de l’obsolescence programmée ».
En 2011, dans les explications de vote sur une résolution législative relative à une proposition de directive sur les déchets d’équipements électriques et électroniques, le parlementaire espagnol Willy Meyer demandait l’interdiction des « techniques de production reposant sur l’obsolescence programmée ».
Cette même année 2011, le député européen Izaskun Bilbao Barandica interpellait la Commission au sujet de la révision des normes en matière de durée de vie des produits.
Ce n’est vraiment qu’après le vote le 17 octobre 2013 à la quasi-unanimité des membres réunis en séance plénière, de l’avis du Comité Economique et Social Européen, premier texte européen sur le sujet et pour lequel j’avais eu la chance d’être désigné rapporteur, que les choses se sont accélérés.
Cet avis publié le 6 mars 2014 au journal officiel de l’Union européenne[1], demandait l’interdiction des cas les plus flagrants de l’obsolescence programmée, demandait l’affichage de la durée de vie, l’extension des garanties, la création d’un observatoire européen et bien d’autres points, a très vite été remarqué. Le député européen socialiste Gilles Pargneaux l’a utilisé en référence d’action future lors d’une question écrite le 26 mars 2014 posé au commissaire européen au marché intérieur, en l’occurrence à l’époque Michel Barnier. Lors des auditions des nouveaux commissaires européens, le député EELV Pascal Durand a cité cet avis en référence d’une question posée à la nouvelle commissaire au Marché Intérieur, Elzbieta Bienkowska. Celle-ci apparut bien en peine pour répondre.
Ce sont surtout les associations européennes de consommateurs qui montrèrent un intérêt fort pour maintenir la pression désormais ouverte. Les consommateurs espagnols votèrent le 24 juin 2014 la « résolution de Madrid »[2] qui, sur la base de l’avis européen demandait l’introduction du droit à une consommation durable dans la charte de la consommation espagnole. Quelques mois plus tard, le 10 octobre, la principale association portugaise de consommateurs, DECO, à l’occasion de son quarantième anniversaire, se prononçait dans le même sens. Enfin, le Bureau Européen des Consommateurs annonçait, lors de son Assemblée Générale le 14 novembre 2014, son intention de promouvoir constamment les recommandations de l’avis et ouvrait un portail web dédié : http://www.beuc.eu/durable-goods
Au plan européen, le Comité Economique et Social Européen, dont le mandat de cinq ans se termine le 21 septembre, organise un grand événement de fin de mandat à Bruxelles, le 7 septembre, où le sujet sera mis à l’honneur. Dans sa feuille de route, le nouvel Etat président de l’Union Européenne, le Luxembourg, a inscrit la lutte contre l’obsolescence programmée dans ses objectifs, et le CESE européen a renouvelé son appel à une action sur le sujet pour la feuille de route européenne de 2016. Ce même Comité Economique et Social Européen a débloqué en juin 2015 un budget de 25.000 Euros pour permettre des études sur le sujet. Les résultats de celles-ci seront publiés en décembre 2015.
Côté Parlement Européen, le député EELV Pascal Durand a déposé une demande de résolution au Parlement Européen devant déboucher en fin d’année après la présentation d’un rapport final attendu pour fin novembre. Une conférence sur le thème s’y déroulera le 21 octobre afin de recueillir des contributions en amont du rapport d’initiative. De son côté, le Bureau Européen de l’environnement organise une journée sur le sujet le 30 septembre prochain. La Commission Européenne semble, elle, un peu en retard malgré plusieurs rencontres auxquelles nous avons participés (26 mars et 23 septembre 2014 et une interpellation effectué auprès du Vice-Président Frans Timmermans le 16 mars 2015). Il reste à agir pour que le sujet de la lutte contre l’obsolescence programmée figure bien dans l’action en cours enclenchée par la Commission sur l’économie circulaire.
Tout ceci indique que le sujet de la consommation durable est désormais solidement installé dans le paysage européen, on a toutefois le sentiment que cette dynamique résulte davantage d’acteurs de bonnes volontés que d’une réelle stratégie européenne.
Thierry Libaert
Conseiller au Comité Economique et Social Européen (2010-2015)
Rapporteur de l’avis sur l’Obsolescence Programmée.
[1] http://publications.europa.eu/resource/cellar/3c84d55a-a54d-11e3-8438-01aa75ed71a1.0010.03/DOC_1
[2] http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-planned-obsolence-rt