Le fonds réparation encore en danger. L’arrêté portant cahiers des charges pour la filière à responsabilité élargie du producteur des équipements électriques et électroniques a été publié au Journal officiel le 31 octobre. L’association HOP s’indigne qu’avec cet arrêté, le Gouvernement acte la réduction de moitié de l’ambition pour la réparation de ces équipements, dont l’allongement de la durée de vie constitue pourtant un enjeu social et environnemental-clé.
Le fonds réparation, outil de prévention des déchets introduit par la loi AGEC
Pour rappel, la loi contre le gaspillage et pour une économie circulaire (AGEC) prévoit de nouvelles missions pour les filières à responsabilité élargie du producteur (REP), originellement créées pour gérer la collecte et le recyclage des déchets par filières. En particulier, elle crée des obligations en faveur de la réparation et du réemploi, dont la mise en place de fonds financiers, alimentés via l’éco-contribution. L’objectif est d’abaisser le coût de la réparation pour les consommateurs sur des produits du quotidien en cas de panne.
Pour la filière des équipements électriques et électroniques (EEE), le fonds réparation doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022. Le Gouvernement avait lancé au début de l’été une consultation publique sur le cahier des charges qui fixe les montants financiers du fonds réparation, géré par les éco-organismes concernés. Les associations comme HOP et les acteurs de la réparations se sont fortement mobilisés pour obtenir un fonds ambitieux. Ce cahier des charges vient d’être publié par arrêté.
Une ambition bien en deçà des attentes
HOP s’indigne du manque d’ambition et du montant retenu dans ce cahier des charges, bien trop faible pour atteindre les objectifs de réparation de la France.
Selon l’ADEME, le fonds réparation pour les équipements électriques et électroniques doit compter 200 à 230 millions d’euros par an pour couvrir 20 % des coûts de réparation engendrés par ces équipements. Or, les montants prévus sur la durée d’agrément sont bien inférieurs avec un déploiement (très) progressif allant de 20 millions d’euros en 2022 jusqu’à 102 millions d’euros en 2027 (soit 10% dans le meilleur des cas).
De même, les “objectifs indicatifs” de taux de réparation des équipements concernés fixés par le Gouvernement d’ici la fin de l’agrément (2027) paraissent bien faibles : seulement +10 % sur le gros électroménager ou les écrans, ou +15 % sur les petits équipements informatiques (smartphones). Pourtant, suite à la loi AGEC, les pouvoirs publics annonçaient viser un taux de réparation de 60 % des EEE d’ici cinq ans. A titre de comparaison, les taux de réparation hors garantie estimés par l’ADEME sur le gros électroménager n’étaient en 2019 que de 7 à 25 % selon les équipements, et de 10 % sur l’ensemble des EEE [1]. Avec les objectifs inscrits dans le cahier des charges nous sommes donc loin du compte.
Outre la réparation, le cahier des charges manque également d’ambition sur le volet réemploi. L’objectif annuel fixé pour la quantité d’EEE devant être réemployée n’est que de 2% des EEE usagés par rapport à la quantité d’équipements mis sur le marché l’année précédente. Ce chiffre est d’autant plus faible que peuvent être comptabilisés les équipements qui ont fait l’objet d’une “opération de préparation en vue de la réutilisation” et non uniquement ceux ayant effectivement été réemployés.
A la fin, ce sont les consommateurs et l’environnement qui trinquent
Le Gouvernement a beau jeu d’avancer que ce cahier des charges constitue un progrès par rapport au montant qu’il avait initialement prévu. Le résultat est sans appel: il est clair que le fonds ainsi doté sera bien loin de massifier le recours à la réparation.
Le premier risque d’un fonds sous-doté est que la réduction accordée (aux alentours de 10 % du coût) ne soit pas suffisamment incitative pour pousser les consommateurs à davantage réparer. Le second est que le périmètre des équipements concernés ou des types de réparations couvertes soient restreints, et qu’un grand nombre de réparations ne soient ainsi pas adressées, ou encore que les réparateurs ne jouent pas le jeu.
Or, il convient de le rappeler, la réparation est un levier clé pour lutter contre l’obsolescence et allonger la durée de vie de ces équipements en évitant l’achat d’un produit neuf. Le sujet est loin d’être anodin, en particulier au moment même où les négociations climatiques de la COP 26 ont lieu à Glasgow. L’essentiel des impacts environnementaux généré par la production et la consommation d’EEE se concentrent lors de leur fabrication. L’ADEME estime ainsi que les trois-quarts des émissions de gaz à effet de serre émises lors de l’ensemble du cycle de vie des produits à forte composante électronique se situe lors de l’extraction des matières premières[2]. Selon le Bureau européen de l’environnement (EEB), des économies conséquentes d’émissions de gaz à effet de serre pourraient être atteintes en allongeant la durée de vie de ces équipements [3].
Aussi, suite à sa condamnation pour inaction climatique, la justice a ordonné à l’État de prendre « toutes les mesures utiles » pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, il est clair que l’ambition doit être rehaussée sur les moyens alloués au fonds réparation afin de promouvoir la réparation des EEE de manière conséquente et répondre aux objectifs environnementaux. L’association HOP craint donc que le fonds réparation qui doit être opérationnel dans 2 mois ne soit qu’une coquille vide, mais espère malgré tout qu’il saura remplir les objectifs fixés par les parlementaires : faciliter la réparation pour les consommateurs.
Seule note positive, les cahiers des charges ont récemment été mis en consultation publique pour les filières articles de bricolage et de jardinage, articles de sport et loisir, et jouets, proposant des montants à allouer correspondant à 20 % des coûts de réparation estimés.
[1] ADEME, Fonds réparation de la filière équipements électriques et électroniques, 2021.
[2] ADEME, Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipement, 2018.
[3] European Environmental Bureau (EEB), Coolproducts don’t cost the Earth, 2019.
L’EEB estime que « prolonger d’un an seulement la durée de vie de tous les lave-linge, ordinateurs portables, aspirateurs et smartphones dans l’UE permettrait d’économiser environ 4 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) par an d’ici 2030, ce qui équivaut à retirer plus de 2 millions de voitures de la circulation pendant un an».