Un nouvel outil d’information des consommateurs
Vous l’avez sûrement remarqué, un indice de réparabilité a fait son apparition depuis quelques semaines sur plusieurs types de produits électroménagers et électroniques, que ce soit en rayon ou sur les sites d’achats en ligne.
Ce nouvel outil d’information du consommateur a été introduit par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de février 2020. Depuis le 1er janvier 2021 les fabricants et distributeurs sont tenus de le publier et de l’afficher. Il s’agit d’une première mondiale.
L’indice de réparabilité qu’est-ce que c’est ?
L’indice de réparabilité, prévu par l’article L.541-9-2 du code de l’environnement, a pour but d’ « informer le consommateur sur la capacité à réparer le produit concerné ». Concrètement, il s’agit d’une note sur 10, obligatoire pour le moment pour cinq types de produit : les lave-linges à hublot, les ordinateurs portables, les smartphones, les télévisions et les tondeuses à gazon électriques.
Il est apposé directement sur le produit ou son emballage et sur le lieu de vente. Pour les distributeurs en ligne l’indice doit être affiché à côté du prix.
Comment l’indice est-il calculé ?
Cette note est calculée à partir de 5 critères :
- La durée disponibilité de la documentation (dont le manuel technique d’instructions relatives à la réparation par exemple)
- La facilité de démontage du produit, le type d’outils nécessaires et les caractéristiques des fixations
- L’engagement du producteur sur la durée de disponibilité des pièces détachées et sur le délai de leur livraison
- Le rapport entre le prix de vente des pièces détachées et le prix du produit
- Des sous-critères propres à chaque catégorie de produits concernée (la présence d’un compteur d’usage pour les lave-linges par exemple)
La note finale obtenue sur 10 pour un produit correspond à la moyenne des notes de ces cinq critères. Chaque critère est lui-même composé de sous-critères. Les détails du calcul se font selon une grille de calcul détaillée pour chaque type de produit dans un arrêté spécifique. Le calcul ne se fait donc pas de manière arbitraire mais via des points attribués sur chaque sous-critère dans une grille de calcul règlementaire.
Les décrets et arrêtés d’application (disponibles ici) ont été publiés au Journal officiel le 31 décembre 2020. Une mise en place progressive durant l’année 2021 doit s’effectuer, les sanctions administratives ne tomberont qu’à partir de janvier 2022. C’est d’ailleurs pourquoi l’indice n’est actuellement pas disponible pour tous les produits et marques concernés par sa mise en place.
Qui procède au calcul ?
Le fabricant établit l’indice pour son produit et doit le communiquer au vendeur, qui a lui la charge de l’afficher.
Les fabricants ont également l’obligation d’informer sans frais et dans un délai de 15 jours, un consommateur ou toute personne demandant l’indice et les paramètres (feuille de calcul incluant les critères et sous-critères) pour un produit donné. De même, ces informations doivent être mises en ligne par les producteurs selon les modalités qui leur conviennent.
Et maintenant, quels enjeux ?
Surmonter le risque de greenwashing
Son application requiert une grande vigilance. Etant donné que les notes sont auto-déclarées par les fabricants, l’indice doit être suffisamment contrôlé. Un contrôle administratif assidu de la DGCCRF et des associations devra être mis en place si l’on veut que cet indice soit utile et gagne la confiance des clients, plutôt que leur légitime défiance. Des initiatives collaboratives comme le site Produits Durables pourraient jouer un rôle de vigie, permettant aux consommateurs et aux réparateurs professionnels de centraliser leurs observations et leurs éventuels doutes sur les notes attribuées à certains produits.
En outre, un point important pour la prise en main de l’indice par les consommateurs concerne la nécessaire discrimination des notes. Si les produits d’une même catégorie obtiennent pour la grande majorité d’entre eux une note entre 7 et 9 sur 10, cela donnera l’impression de produits plutôt bien réparables, peut-être à tort. Il est encore trop tôt pour avoir ce recul, même si HOP s’interroge sur la (trop grande ?) facilité d’obtention d’une bonne note et la pondération de certains critères de calcul. Ainsi par exemple pour les smartphones, il suffit d’indiquer la nature des mises à jour (corrective, évolutive ou mixte), pour gagner 1 point sur 10 sur la note totale. L’indice, grâce à des critères trop généreux, risque de ne pas être assez discriminant entre les produits, brouillant l’intérêt pour le consommateur. Les grilles de calcul de l’indice mériteraient donc d’être régulièrement mises à jour pour en relever l’ambition.
Vers un futur indice plus large de durabilité
Actuellement restreint à cinq types de produits, l’indice a vocation à être étendu à d’autres catégories de produits. On peut penser que des produits relativement similaires comme les tablettes ou lave-vaisselles devraient rapidement être concernés. D’autres biens de la vie quotidienne mériteraient également une attention particulière telles que les imprimantes, dont l’obsolescence a fait l’objet d’un rapport d’enquête et d’une plainte par l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) fin 2017, ainsi que d’autres produits encore trop peu réparables comme les aspirateurs, les cafetières ou le petit électroménager par exemple.
Enfin pour HOP, ce nouvel outil constitue un progrès, mais la vraie résolution arrivera seulement en 2024. Conformément à la loi AGEC, l’indice va évoluer en 2024 en un indice de durabilité, renseignant non seulement la capacité à réparer le produit, mais aussi sa fiabilité et sa robustesse. En effet, la réparation restant à la charge du consommateur une fois la garantie légale de conformité passée (deux ans), il est essentiel de pouvoir distinguer les produits les plus solides qui dureront dans le temps afin de convaincre les consommateurs d’investir sur des biens durables de qualité.
L’indice de réparabilité représente donc une première étape vers un véritable indice de durabilité plus complet. L’objectif de cet outil est double : d’une part, apporter une information utile aux consommateurs de plus en plus nombreux à demander des produits plus durables et réparables. D’autre part, instituer une émulation vertueuse entre fabricants pour concevoir des produits plus réparables et durables afin d’obtenir la meilleure note grâce à cet effort de transparence. In fine, l’indice doit permettre d’allonger la durée de vie des produits, et donc lutter contre toute forme d’obsolescence prématurée, dans l’intérêt de notre pouvoir d’achat et de la planète.