Halte à l’Obsolescence Programmée a lancé une grande campagne de communication, dans les métros et les gares notamment, pour faire savoir au grand public qu’il peut bénéficier d’un bonus réparation, trop largement inconnu des consommateur·trices. Une campagne réalisée sur des écrans numériques. Cette décision ne s’est pas faite sans hésitation au sein de l’association. On vous explique les réflexions que nous avons eues chez HOP sur ce dispositif de communication, devenu une des cibles symboliques de la lutte contre l’agression publicitaire et du dérèglement climatique.
HOP a impulsé la création du bonus réparation en France. Une réduction directement sur la facture des consommateurs et consommatrices lorsqu’ils font réparer un objet chez un·e réparateur·ices labelisé·es. Malheureusement, peu de personnes sont encore au courant. Devant le constat que le bonus réparation est sous-utilisé par le grand public, HOP a décidé de lancer une campagne de communication citoyenne pour faire connaître cette opportunité ouverte à tous et toutes de réparer moins cher.
Halte à l’Obsolescence Programmée espère également par ce biais encourager davantage de réparateur·trices à participer au dispositif via le label QualiRépar.
Suite à un appel au mécénat, cette campagne a été créée gracieusement par l’agence Publicis. Nous avons ensuite sollicité des régies publicitaires pour la diffuser gracieusement.
La régie publicitaire Mediatransport nous a proposé une campagne dans les métros parisiens et les gares françaises en pro-bono. La diffusion digitale d’une telle campagne vaut plus de 50 000 euros pour 7 jours. Concrètement, sans rien dépenser, HOP a l’opportunité de faire connaître au plus grand nombre l’existence du bonus réparation et sensibiliser à l’allongement de la durée de vie des produits.
Mediatransport a en revanche une politique : le “pro-bono” ne se fait plus que sur des écrans numériques, dits DOOH pour Digital Out-Of-Home.
HOP est face à un cas de conscience. Doit-on refuser ou accepter cette offre de pro-bono au vu des débats sur les effets néfastes des écrans numériques, sur la capture de l’attention du public et sur les impacts environnementaux ?
Revenons sur les chiffres. Nous n’avons, à ce jour, pas trouvé de comparaison exacte et scientifique entre affichage papier et campagne numérique, pour avoir un ordre d’idée de comparaison.
Ce que l’on sait sur les panneaux numériques, dit DOOH :
- Selon l’Ademe, l’impact total est de 245 kg d’équivalent CO2 par année d’utilisation d’un panneau, soit l’équivalent d’un vol aller Paris-Berlin.
- Un écran de 2 m² consomme 2 000 kWh par an, soit presque l’équivalent de la consommation annuelle d’un ménage (hors chauffage et eau chaude).
- La fabrication d’un écran numérique de deux mètres carrés, qui pèse deux cents kilogrammes, nécessite huit tonnes de matériaux.
- Les panneaux numériques, c’est 0,01% de notre consommation énergétique française. RTE, classe ces écrans parmi les consommations “superflues”, au même titre que l’éclairage de devantures. Le gestionnaire plaide pour limiter ces panneaux qui font partie pour lui d’un fort gisement d’efficacité énergétique.
- Si l’Union de la publicité extérieure (UPE) s’est engagée à rendre moins gourmands les écrans numériques, ces derniers sont de plus en plus nombreux car les écrans remplacent les affiches papiers. On en comptait 55 000 en 2019, contre 3000 en 2013 !
- Les écrans numériques sont aussi un outil pour capter plus l’attention, de manière envahissante dans l’espace public, ce que dénonce HOP. Nous soutenons notamment l’association Lève les yeux ou le collectif CODE en ce sens. On peut légitimement penser que la publicité incite à l’obsolescence marketing, vous poussant à acheter toujours plus, bien qu’elle puisse être aussi un espace de créativité et de visibilité pour des contenus vertueux, si on pense aux ONG ou au domaine de la culture par exemple.
- D’un autre côté, une étude, commandée par l’UPE, pointe la consommation de la publicité sur les réseaux sociaux comme première émettrice de CO2 par rapport aux autres modes de publicité.
Alors que faire ?
Après des heures de recherche, après avoir tenté de trouver des alternatives (demande d’une campagne papier par exemple) et surtout après avoir pesé le pour et le contre au sein de notre conseil d’administration et avec nos bénévoles, nous avons décidé de faire cette campagne.
Pourquoi a–on décidé de communiquer sur le DOOH ?
Certes, nous ne souhaitons pas cautionner le déploiement des panneaux numériques. Mais peut-on agir pour l’écologie en étant hors du monde ? Nous voulons inciter à la réparation, etfaire durer plus longtemps les produits pour limiter sur le long terme l’impact de notre consommation. Le bonus est actuellement trop méconnu et n’atteint pas ses objectifs.
Alors, nous avons décidé d’utiliser les codes du système pour le remettre en question.
Nous pourrions décider de remiser cette campagne dans les cartons. De ne rien faire, de laisser la société de consommation seule avoir la parole. Les réseaux sociaux consomment aussi énormément. Doit-on s’en retirer ? Quels sont les moyens pour arriver à nos fins ?
Chez HOP, nous avons toujours utilisé la communication comme un moyen d’influence pour atteindre nos objectifs : engager les décideurs publics et privés vers des produits plus durables et réparables, pour que la durabilité devienne la norme.
Nous avons estimé que le potentiel d’impact de passage à l’action en faveur de la réparation au regard de l’audience possible d’un tel déploiement média serait positif. Nous serons néanmoins vigilants aux indicateurs d’impacts de cette campagne inédite au regard de nos objectifs de sensibilisation, afin d’en tirer toutes les conclusions.
L’utilisation de ces panneaux numériques, sans que nous les soutenions financièrement, ne nous empêchera pas de lutter contre les aberrations écologiques. Nous sommes clairs là-dessus : HOP continuera de militer pour l’encadrement de la publicité et ses supports, dans une logique d’économie circulaire et de sobriété.
Nous avons choisi, par cet article, une démarche de transparence face à un sujet complexe. Les dilemmes font partie de l’action associative, avec des tensions possibles entre efficacité et cohérence idéologique. HOP étant une association soutenue par des dizaines de milliers de citoyens, il nous semblait important de vous partager ces réflexions.