L’obsolescence programmée des objets est un sujet qui nous touche tous au quotidien. Imprimantes, ordinateurs, collants, meubles, smartphones, aspirateurs… les produits ne sont pas suffisamment conçus pour durer et être réparables. Pire encore, ils sont parfois pensés pour défaillir et nous pousser à la consommation. Cela représente un vrai coût injuste pour les ménages, sans parler de ses conséquences environnementales scandaleuses… Depuis des années, celle qui préside la France, et au-delà, c’est elle : l’obsolescence prématurée. Qui des candidat·es aux élections saura la détrôner ?
Nous avons épluché les programmes, relevé les déclarations et interpellé les candidats pour leur demander de se positionner sur nos propositions . Rappelons qu’HOP est une association transpartisane et que cette analyse ne préjuge pas des opinons politiques de ses membres. L’objectif de l’association est de mettre la lutte contre l’obsolescence prématurée et pour la durabilité des objets au cœur de l’action politique, quelque soit la couleur politique des élus, durant les 5 prochaines années afin d’obtenir des réalisations concrètes observables dans la vie quotidienne des français.e.s.
Avant de passer à l’annonce des résultats, retrouvez nos précédents épisodes sur la campagne présidentielle si vous les avez ratés :
[Episode 1] Manifeste pour une société sans obsolescence programmée
[Episode 2] Les 20 propositions de HOP pour allonger la durée de vie des produits
[Episode 3] Quels sont les candidats qui s’engagent pour la durabilité des objets ?
[Episode 4] Interpellez vos députés pour des produits durables et réparables (élections législatives)
Voici le résultat de nos analyses et le classement des candidats les plus engagés pour l’allongement de la durée de vie des objets.
Globalement, nous constatons de très grandes différences entre les candidats, certains ayant un véritable programme étoffé sur le sujet tandis que d’autres ne proposent aucune mesure, même vague ou rudimentaire. Un autre élément qui saute aux yeux en lisant la plupart des programmes, c’est la priorité donnée au recyclage sur la réparation, le reconditionnement ou le réemploi. C’est un problème puisque, bien que meilleur que l’enfouissement et l’incinération, le recyclage est sans doute la moins vertueuse de ces pratiques… Enfin, si le numérique est abordé par plusieurs candidats, nous regrettons le manque de propositions sur le cas spécifique de l’obsolescence logicielle chez l’ensemble des candidats. C’est pourtant un enjeu croissant avec l’augmentation des objets connectés dans nos vies.
En résumé, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot s’illustrent par des propositions nombreuses et ambitieuses pour allonger la durée de vie des objets, ils semblent particulièrement sensibilisés au sujet. D’autres candidats comme Philippe Poutou, anti-capitaliste, ou l’équipe de Marine Le Pen dénoncent fortement l’obsolescence programmée. Cette dernière prône une réindustrialisation locale mais manque de formuler des solutions concrètes et n’a pas répondu à notre courrier. Emmanuel Macron se repose sur les acquis du quinquennat passé et se concentre uniquement sur leur mise en œuvre, sans rien proposer de nouveau. Les autres candidats ne proposent rien ou peu de choses concrètes sur le sujet.
Pour juger les candidats, nous avons noté leurs ambitions à l’aune de nos propositions et leurs engagements publics ou écrits mais ne préjugeons pas de leur réalisme.
Pour chacun des critères, nous prenons en compte les mesures présentes dans leurs engagements, mais aussi leur degré de précision et leur inclusion dans le programme. Certains engagements ne sont présents que dans les réponses à nos courriers ou dans des interventions médiatiques. Cette méthode n’est sans doute pas parfaite, mais elle a le mérite d’objectiver et de valoriser les candidat.e.s qui s’engagent et de sanctionner celles et ceux qui semblent avoir délaissé le sujet dans ses multiples dimensions. Du fait de cette méthode, les candidats ayant répondu à notre courrier, envoyé à tous, reçoivent finalement des scores significativement plus hauts car ils sont rentrés davantage dans le détail et ont pu se positionner sur de nombreuses mesures proposées par HOP, tandis que les autres restent assez flous dans leur programme.
Les engagements concrets de chaque candidat :
Jean-Luc Mélenchon : 14,7/20
Le candidat de la France Insoumise obtient la meilleure note. Jean-Luc Mélenchon souhaite non seulement étendre l’indice de durabilité à tous les objets du quotidien mais aussi interdire la mise sur marché des produits obtenant un score faible. La France Insoumise propose aussi d’étendre la garantie légale de manière différenciée selon les produits, par exemple à 15 ans pour l’électroménager.
Jean-Luc Mélenchon promet de rendre obligatoire la disponibilité des pièces détachées des produits pour faciliter la réparation. Le soutien au réemploi et à la réparation prendra la forme d’une aide aux initiatives locales (ressourceries, repair cafés etc) et d’un développement des filières scolaires et universitaires dans ce secteur. Surtout, l’une des mesures phares de ce programme pour promouvoir de nouveaux usages des produits est la création d’un « service public de la réparation et du réemploi ». Le candidat ne précise pas comment il pense financer cette promesse.
Le candidat est favorable au maintien de guichets physiques pour limiter l’usage du numérique et ainsi réduire l’usage des appareils électroniques. Enfin, pour encadrer la publicité, Jean-Luc Mélenchon s’engage notamment à diminuer les possibilités de diffusion publicitaire à la télévision, à interdire les panneaux publicitaires et à interdire la publicité sur les produits les plus pollutants.
Yannick Jadot : 13,7/20
Yannick Jadot fait partie des bons élèves dans sa volonté de lutter contre l’obsolescence. Comme le demande HOP, il propose d’étendre l’indice de durabilité à l’ensemble des produits du quotidien, d’instaurer un compteur d’usage et de rallonger les délais des garanties légales. Par ailleurs, Yannick Jadot souhaite mettre en place des mesures ciblées pour interdire le raccourcissement intentionnel de la durée de vie des appareils par voie logicielle.
Le candidat est particulièrement engagé sur les questions de régulation de la publicité, avec le projet d’une « loi Evin pour le climat », comprenant une « interdiction progressive de la publicité pour les produits les plus climaticides », une interdiction des panneaux publicitaires numériques et la création d’une autorité indépendante de contrôle de la publicité. Enfin, pour encourager la réparation, Yannick Jadot propose de baisser la TVA sur les services de réparation à 5,5%, de doubler les montants alloués au fonds réparation et de promouvoir la formation professionnelle des réparateurs.
Philippe Poutou : 13,4/20
Pour l’équipe de Philippe Poutou, l’obsolescence programmée témoigne des ravages du capitalisme. Le projet de société porté par le candidat comporte de nombreux éléments sur la manière de repenser notre rapport aux objets.
Philippe Poutou est favorable à une extension de l’indice de durabilité à l’ensemble des produits du quotidien ainsi qu’à l’instauration d’un compteur d’usage, tout ceci dans le but d’apporter davantage d’informations aux consommateurs. Le candidat alerte néanmoins sur la nécessité de ne pas restreindre la lutte contre l’obsolescence à l’augmentation de la transparence : pour le NPA, le plus important est de sortir de la « logique de profit » qui caractérise le capitalisme et qui pousse les fabricants à concevoir des produits à la faible durée de vie. Pour essayer de contrer ces pratiques, le NPA propose d’étendre la garantie légale à la durée de vie attendue des produits et surtout d’imposer aux fabricants une durée de vie minimale (incluant la possibilité de réinsérer l’objet dans des cycles de production), en dessous de laquelle les produits ne pourraient être commercialisés. Le candidat ne précise pas comment il compte objectiver la durée de vie minimale.
Comme le recommande HOP, Philippe Poutou propose de garantir des services d’intérêts publics « Zéro obsolescence logicielle ». Le candidat va plus loin en promettant d’assurer la présence physique d’au moins une personne pour chacun de ces services (transports, musées etc). Le candidat ne propose en revanche pas de proposition concrète pour allonger la durée de vie des produits via la lutte contre l’obsolescence logicielle.
Le NPA propose tout simplement d’interdire la publicité commerciale dans son entièreté et de la remplacer par un contenu informationnel. Le candidat insiste aussi sur la nécessité de développer la formation à la réparation, dans les écoles comme dans le secteur professionnel.
Enfin, selon Philippe Poutou, la meilleure manière de surmonter le coût de la réparation est d’augmenter les salaires plutôt que d’alléger la fiscalité.
Anne Hidalgo : 9,5/20
Le programme de la candidate du Parti Socialiste contient des propositions sur la durée de vie des produits, mais globalement, celles-ci manquent de précision et d’ambition. Nous saluons sa volonté de réduire la TVA sur le réemploi et le reconditionnement des produits électroniques, sa proposition de “relance du fonds réemploi” et son “plan de développement des achats publics circulaires”, qui sera mis en œuvre avec les collectivités. La candidate propose aussi, tout comme Yannick Jadot, une “loi Evin sur la publicité”, visant à “interdire la publicité et le mécénat pour les industries produisant des énergies fossiles”, mais cette loi ne prévoit pas l’interdiction des panneaux publicitaires numériques (comme c’est le cas chez d’autres candidats) ni le renforcement des instances chargées de contrôler la publicité. Enfin, la candidate propose d’améliorer la sensibilisation aux enjeux d’économie circulaire au collège, au lycée et dans l’enseignement supérieur, mais n’apporte pas d’éléments sur le nécessaire développement des filières professionnelles du reconditionnement et de la réparation.
Nathalie Arthaud : 7,5/20
Après la publication de cet article, l’équipe de Nathalie Arthaud a finalement répondu à notre courrier le 8 avril.
La candidate de Lutte ouvrière considère que l’obsolescence programmée découle du mode de production capitaliste et à la « course au profit » qui le caractérise. Nathalie Arthaud souhaite encourager l’éco-conception et soutenir le secteur de la réparation. La candidate promet aussi d’accroître la transparence sur la réparabilité des objets et d’élargir le droit d’alerte pour mieux dénoncer l’obsolescence programmée. Si ces mesures sont souvent trop imprécises, la candidate est l’une des rares à s’engager contre l’obsolescence logicielle, en imposant la gratuité et l’accessibilité des logiciels et en créant une agence publique du logiciel.
Valérie Pécresse : 4,9/20
Malheureusement, le programme de Valérie Pécresse comporte peu d’éléments sur la durée de vie des produits. Certaines propositions sur le numérique consistent par exemple à inciter les entreprises à intégrer le numérique responsable dans leur RSE. Mais cela reste assez flou et manque d’ambition. La grande proposition sur la durée de vie des objets est la création d’un chèque récupération de 10 euros pour la restitution d’un téléphone abandonné dans un tiroir, et de 50 euros pour la restitution d’un ordinateur. La candidate ne précise pas le mécanisme de financement du dispositif, ni le devenir des équipements récupérés. L’équipe de la candidate n’a pas répondu à notre courrier.
Emmanuel Macron : 4,8/20
HOP regrette que le programme d’Emmanuel Macron ne contienne pas de mesure dédiée spécifiquement à l’allongement de la durée de vie des objets. Toutefois, l’équipe du candidat s’engage à continuer de mettre en œuvre et à renforcer les mesures qui avaient été prises lors du premier mandat d’Emmanuel Macron (indices de réparabilité et durabilité, fonds réemploi et réparation…). L’équipe du candidat n’a pas répondu à notre courrier mais nous a entendu lors d’un RDV.
Nicolas Dupont-Aignan : 4,7/20
Le programme de Nicolas Dupont-Aignan comporte quelques propositions sur l’obsolescence programmée, mais celles-ci se focalisent sur le délit en tant que tel et non sur l’ensemble des aspects que recouvre l’allongement de la durée de vie des objets. Ainsi, le candidat promet de « déterminer des critères clairs et simples permettant de prouver le délit d’obsolescence programmée, de renforcer les sanctions et d’assurer des contrôles ». HOP valorise que le candidat soit sensible au sujet, toutefois le délit d’obsolescence programmée à déjà été modifié lors d’une récente loi pour être plus facilement applicable. A cela s’ajoute une autre mesure concrète : l’obligation de rendre les pièces détachées nécessaires à la réparation disponibles pendant au moins 10 ans après la mise sur le marché d’un objet. L’équipe du candidat n’a pas répondu à notre courrier.
Marine Le Pen : 4,3/20
Si le thème de l’allongement de la durée de vie des objets a été abordé pendant la campagne de Marine Le Pen, c’est surtout à travers le prisme du renforcement du délit d’obsolescence programmée et du localisme. Malheureusement, cela ne s’est que très peu traduit dans le programme de la candidate. En effet, la baisse de la TVA sur les produits issus de la réparation et du reconditionnement ainsi que la plus longue durée de disponibilité des pièces détachées sont les deux seules mesures figurant dans le programme de la candidate. L’équipe de la candidate n’a pas répondu à notre courrier.
Eric Zemmour, Fabien Roussel et Jean Lassalle : aucune proposition concrète
Eric Zemmour, Fabien Roussel et Jean Lassalle sont les plus « mauvais élèves », puisque leur note ne dépasse pas 1,2/20 et qu’aucune proposition concrète n’apparaît dans leur programme. N’ayant pas reçu de réponse à nos courriers de la part de ces candidats, nous ne sommes pas en mesure d’apprécier leur position sur le sujet.
La méthodologie de calcul pour les candidat·es
Le score est d’abord calculé à partir d’une note sur 100 est subdivisé en 4 grandes catégories de critères :
- La position des candidats par rapport à nos 6 propositions phares. Entre 0 et 8 points par proposition. Total sur 48
- La position des candidats par rapport à nos 13 autres propositions. Entre 0 et 2,5 points par proposition. Total sur 32,5
- Jusqu’à 10 points peuvent être accordés si le ou la candidat·e a répondu à notre courrier. 5 points pour un échange oral, 10 pour des engagements par écrit.
- Jusqu’à 9,5 points peuvent être accordés pour des propositions originales, autres que celles de HOP, figurant dans leur programme.