Le 17 avril dernier, HOP a publié un rapport sur l’obsolescence accélérée des véhicules. Afin d’alerter les candidat·es aux élections européennes et faire de ce sujet une priorité, une pétition a été lancée pour lutter contre le développement des futures voitures jetables. Mais quels sont les réels enjeux des prochaines élections en matière de durabilité automobile ?
Voici le décryptage de HOP.
Les trois enjeux majeurs pour la réparabilité des voitures récentes :
Le rapport de HOP souligne que des constructeurs non européens émergents développent des pratiques de non-réparabilité des voitures en vue de réduire les prix de conception. Cette nouvelle concurrence qui bouscule le marché pourrait amener l’ensemble des constructeurs à se convertir à ces pratiques, qui deviendraient donc la norme. L’association formule trois recommandations face aux principaux risques identifiés :
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Instaurer des garanties de réparabilité des batteries
La batterie d’une voiture électrique représente entre 30 et 40 % de son coût à l’achat, et est responsable de la majeure partie de son impact environnemental au moment de la fabrication. Sa longévité est donc primordiale, tant pour protéger le·la consommateur·ice que l’environnement. Mais encore faut-il que les véhicules électriques soient conçus pour durer.
Une batterie est réparable si on peut en changer un ou plusieurs modules en cas de défaillance sans devoir la remplacer entièrement.
Les pratiques de non-réparabilité consistent entre autres à coller les modules entre eux et à limiter les possibilités d’ouverture de la batterie. En cas de défaillance, cela entraînera probablement le renouvellement de la batterie dans son entièreté. Une bien mauvaise nouvelle pour l’environnement, mais aussi pour le portefeuille des consommateur·ices.
Des normes de conception en faveur de la réparabilité de la batterie devraient être adoptées pour bloquer la diffusion de ces pratiques.
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Imposer des normes de réparabilité : des pièces démontables et disponibles pendant au moins 20 ans
Au-delà des batteries irréparables, la recherche de réduction des coûts par les constructeur·ices les pousse à adopter progressivement le “giga-casting”. Ce dernier vise à produire d’un seul tenant de nombreuses pièces de la voiture, pour former une “giga-pièce”. Un choc sur une telle pièce suppose pour l’instant son remplacement entier : un coût potentiellement explosif de la réparation. Cette pratique permet à ses promoteurs d’économiser des milliers d’euros d’assemblage, et semble convaincre de plus en plus de constructeurs : d’abord Tesla, puis BYD, MG, et récemment Volvo.
Par ailleurs, aucune obligation de durée de mise à disposition des pièces détachées ne s’impose aux constructeurs, ni en France ni en Europe. Si les constructeurs dits “historiques” se tiennent généralement à un délai de 10 ans, la concurrence de constructeurs comme Tesla ou BYD qui délaissent complètement l’après-vente pourrait les amener à rogner considérablement sur la mise à disposition des pièces détachées. HOP recommande l’inscription dans les textes d’une contrainte de disponibilité des pièces détachées par le constructeur pendant une durée d’au moins 20 ans, étant donné que la durée de vie moyenne d’une voiture en France est de 19 ans.
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Lutter contre la menace d’obsolescence logicielle : interdire les verrous logiciels qui font obstacle à la réparation/réemploi des pièces, et maintenir les logiciels pendant au moins 20 ans
La dernière problématique soulevée par HOP concerne d’ores et déjà la grande majorité des voitures récentes, y compris celles produites par les constructeurs “historiques”. La tendance actuelle est en effet à l’électronisation croissante des voitures thermiques et électriques, offrant des options de sécurité et de confort. L’introduction de ces capteurs et logiciels peut pourtant faire obstacle à la réparation : faible accessibilité des données, réparabilité complexe des éléments électroniques, sérialisation des pièces (reliant une pièce au numéro de série de la voiture et empêchant son reconditionnement), obsolescence logicielle, etc.
HOP demande à ce que les pratiques de sérialisation soient interdites dans le but d’assurer la réparabilité des véhicules et l’utilisation des pièces issues de l’économie circulaire. HOP recommande également l’adoption de normes préventives contre l’obsolescence logicielle.
L’opportunité d’instaurer des normes européennes ambitieuses
Aucune législation européenne ne permet d’empêcher le développement de ces pratiques.
Disposer des règlements, lois et normes est indispensable pour limiter, voire interdire ces procédés. Le principal texte sur lequel les prochains députés pourront agir est encore en discussion, c’est la proposition de règlement “circularité des véhicules”. Actuellement en première lecture par le Parlement et le Conseil européens, ce texte est une réelle opportunité d’intégration de critères de réparabilités ambitieux.
Pour le moment, il est plutôt lacunaire en la matière :
- Il exige pour l’instant que les batteries soient amovibles : c’est un minimum, mais qui ne garantit pas leur réparabilité.
- Il prévoit d’imposer la démontabilité de certaines pièces en fin de vie, mais seulement pour la batterie et le moteur électrique. Cette exigence est insuffisante pour faire obstacle aux pratiques de giga-casting.
- Il n’intègre pas de dispositions préventives contre l’obsolescence logicielle.
HOP préconise d’y intégrer plusieurs dispositions, pour pallier ces insuffisances :
- Intégrer des critères de démontabilité, d’ouverture et d’amovibilité des modules, pour garantir la réparabilité des batteries.
- Intégrer une obligation de mise à disposition des pièces pendant au moins 20 ans. Mettre à l’agenda le sujet de la démontabilité des pièces et du giga-casting.
- Intégrer une obligation de maintenance et de garantie des systèmes opératifs et des mises à jour pendant au moins 20 ans, et réglementer les possibilités de sérialisations afin qu’elles ne portent pas atteinte à la réparation et au reconditionnement.
Il est donc très important de faire de ce texte une priorité lors de la nouvelle mandature. Adopter des normes garantissant la réparabilité des voitures offre une protection aux consommateur·ices et un avantage concurrentiel aux constructeurs dits “historiques”.Les élections européennes du 9 juin 2024 marquent un tournant pour que les prochain·es député·es européen·nes mettent la priorité sur ces enjeux : le règlement sur la circularité des véhicules est encore en cours de discussion, les prochain·es député·s auront le pouvoir de le remettre sur la table des négociations s’ils en font une priorité de leur mandat.
Pour leur signaler que la durabilité et la réparabilité des voitures vous préoccupent et doivent faire partie de leurs engagements, signez notre pétition.