Qu’elle soit technologique ou esthétique, l’obsolescence programmée est constitutive du système production de masse / consommation de masse. Pour pouvoir écouler des marchandises nombreuses à long terme – ce qui constitue un objectif tout à fait rationnel -, les producteurs ont besoin d’un marché non saturé. Or, un marché où les produits fonctionnent durablement et où les consommateurs ne s’en lassent pas risque rapidement de saturer.
Pour les industriels comme pour les consommateurs, sortir de ce modèle économique nécessite de faire un pas de côté vis-à-vis de la société de consommation : sortir du renouvellement permanent et du régime de possession.
Qualité et usage : clés d’une production alternative
Intéressons-nous d’abord à la production, principalement visée par l’adjectif « programmée » accolé à l’obsolescence. L’alternative économique consiste évidemment à allonger la durée de vie des objets produits. Cette pratique, heureusement encore répandue dans notre économie, mise sur la qualité des produits ou sur leur « compétitivité hors prix ». L’éco-conception, qui consiste à appréhender la production en analysant l’ensemble du cycle de vie des produits, approfondit cette quête d’une production responsable. Pour l’entreprise, l’image de marque peut s’en trouver renforcée, ce qui facilitera le gain de parts de marché avec des produits durables.
Souvent utilisée pour décrire le modèle industriel allemand, cette stratégie ne fonctionne cependant pas toujours. Dans des contextes où les consommateurs ne sont ni disposés à prendre des risques pour des produits plus chers ni correctement informés de la durabilité des produits, ceux-ci risquent d’être facilement séduits par les objets obsolescents. L’intérêt du producteur – la vente du produit – est satisfait, alors que celui du consommateur – que le produit soit de qualité – n’est pas garanti.
C’est pourquoi le modèle le plus prometteur pour allonger la durée de vie des produits vise à aligner les incitations des producteurs sur celles des consommateurs : il s’agit de l’économie de la fonctionnalité. En vendant un « usage », le producteur a intérêt à ce que le produit dure, tout comme le consommateur. Ainsi, les offres de location qui se développent, des imprimantes aux pneus, sont-elles sans doute l’alternative la plus sérieuse à l’obsolescence programmée.
Autre alternative fréquemment évoquée, l’économie circulaire entretient des liens plus ambigus avec l’obsolescence programmée. Si ce modèle s’avère vertueux sur le plan environnemental, il n’est pas évident qu’il lutte contre le phénomène ici visé. En effet, la réutilisation des déchets dans les projets d’économie circulaire ne garantit pas nécessairement la durabilité des nouveaux produits fabriqués.
La consommation responsable, l’autre réponse
Côté consommateurs, les alternatives à l’obsolescence programmée existent également et sont généralement incluses sous le terme de « consommation responsable ». Correctement informé et sensibilisé, le consommateur pourra privilégier les productions de qualité, qui auront un impact environnemental faible voire positif. De même, le consommateur responsable peut éviter les sirènes du marketing pour choisir de réparer son objet défectueux.
Pour lutter contre l’obsolescence esthétique ou psychologique, les consommateurs peuvent également se tourner vers le réemploi, facilité aujourd’hui par les plateformes de consommation collaborative. Le troc trouve ainsi toute sa place pour battre en brèche la consommation de masse. Toutefois, la vertu n’est pas exempte de paradoxes : pour exister, le réemploi nécessite bien que certains consommateurs se défassent de leurs objets encore fonctionnels…
Enfin, les nouveaux modèles d’économie collaborative peuvent offrir de nouvelles solutions pour des consommateurs responsables, là encore en se basant sur l’usage plutôt que la possession. Sur le modèle des bibliothèques, qui permettent aux livres d’être lus par des centaines de personnes, de nombreux objets peuvent désormais être partagés. C’est le cas des voitures avec l’auto-partage. Dans ce modèle, une même voiture peut remplacer, selon les études, environ 9 voitures individuelles. Si sa durée de vie pourra s’en ressentir, elle ne sera probablement pas divisée par neuf. Dès lors, il est possible de considérer que l’économie du partage constitue une alternative permettant de renforcer le service rendu par chaque objet.
En matière de production comme de consommation, il apparaît que les alternatives à l’obsolescence programmée existent bel et bien. Elles doivent désormais être soutenues par des politiques publiques volontaristes associant normes contraignantes et incitations à s’engager vers des modèles vertueux. Au travail !