L'indice de réparabilité tient-il ses promesses ?

L’association HOP dévoile un rapport d’enquête inédit dans lequel elle tire un premier bilan de l’impact et la mise en œuvre de l’indice de réparabilité en France, et propose des pistes d’amélioration pour ce dispositif, dont l’ambition pourrait rapidement devenir européenne.

Une enquête pour s’assurer que l’indice de réparabilité réponde bien aux attentes

Mesure phare de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), l’indice de réparabilité est obligatoire en France depuis le 1er janvier 2021 sur cinq catégories de produits (smartphones, ordinateurs, téléviseurs, lave-linge à hublot et tondeuse à gazon). Son objectif est double : mieux conseiller les consommateurs et faire évoluer les pratiques des fabricants, in fine pour lutter contre l’obsolescence prématurée de nos objets.

Un an après sa mise en œuvre, l’association HOP veut s’assurer que l’indice de réparabilité réponde bien aux attentes et publie un rapport en guise de premier bilan. Pendant plus de 6 mois d’enquête, HOP s’est intéressée à son déploiement et aux premiers scores affichés, a interrogé des acteurs du monde de la réparation et un panel de consommateurs sur leur perception de l’indice, a mené une contre-expertise, et a procédé à une analyse approfondie de la grille de calcul.

Indice de réparabilité

L’indice de réparabilité est obligatoire en France depuis le 1er janvier 2021 sur 5 catégories de produits.

Une quarantaine de demandes de clarifications et de recommandations ont été formulées

Globalement, HOP estime que l’indice de réparabilité est un bon outil, qui peut être utile pour lutter contre l’obsolescence programmée. Sa méthode de calcul prend bien en compte les principaux freins identifiés à la réparation. Pour rappel, il s’agit d’un score de 0 à 10, et calculé sur la base de cinq critères : la disponibilité de la documentation, la démontabilité, la disponibilité des pièces détachées, leur prix, et un critère spécifique par catégorie de produits.

L’étude menée auprès de 1200 personnes révèle que l’indice est perçu positivement par les consommateurs. Une majorité de personnes a connaissance de l’indice (55%), et trois-quarts des consommateurs ayant été confrontés à l’indice déclarent l’avoir trouvé utile dans leur choix d’achat.

Or, selon HOP, afin d’être plus ambitieux et d’éviter certains écueils, l’indice doit encore être amélioré sur plusieurs points. Dans une approche critique et constructive, HOP a cherché à adresser des propositions concrètes sur chacun des points soulevés. Au total, une quarantaine de demandes de clarifications et de recommandations ont été formulées.

Un besoin accru de transparence

Tout d’abord, HOP alerte sur le besoin accru de transparence du dispositif. Pour que les consommateurs puissent s’emparer pleinement de cet outil, et en toute confiance, et pour permettre et encourager un contrôle par le marché des notes publiées, l’association préconise :

  • d’obliger les producteurs à rendre accessible la grille de calcul détaillée et complétée pour leurs produits (et non simplement une grille de synthèse comme c’est aujourd’hui le cas)
  • d’obliger les producteurs de justifier les notes attribuées en rendant disponible les engagements expliquant l’attribution des points pour leurs produits
  • de créer un site Internet public répertoriant toutes les notes.

Ensuite, elle s’interroge sur la capacité de l’indice à suffisamment sanctionner les produits peu réparables avec des scores trop généreux. Peu de produits ont été mal ou très mal notés. Surtout, certains produits affichant une carence forte sur un critère, obtiennent néanmoins de bons voire très bons scores globaux par un effet de compensation. Or en réalité, un score très faible sur un critère clé tel que la démontabilité, la disponibilité ou le prix des pièces détachées signifie que la réparation du produit est quasiment impossible. Pour HOP, le système de notation et de pondération devrait donc être revu, et propose quatre options possibles.

Un homme répare un smartphone

HOP s’interroge sur la capacité de l’indice à suffisamment sanctionner les produits peu réparables avec des scores trop généreux.

Pour mieux discriminer les produits, l’association propose également de rendre plus ambitieux certains critères et sous-critères. Par exemple, concernant la documentation, HOP propose que soit également évaluée la facilité d’accès (en plus de la disponibilité), et estime que la mise en ligne de tutoriels vidéo devrait être valorisée. Autres illustrations, il est proposé que le critère prix soit fondé sur le prix des pièces le plus défavorable (c’est à dire le plus cher), ou que les aspects ayant trait au logiciel soient renforcés dans le critère spécifique afin de ne pas accorder trop de points facilement aux différents produits.

Des score obtenus par HOP inférieurs dans cinq cas sur six

En plus des considérations sur l’amélioration de l’indice, HOP s’est également intéressée au calcul des premières notes. Ainsi, avant la mise en place des contrôles officiels courant 2022, l’association a cherché à vérifier la fiabilité des notes affichées sur six produits en vente en procédant à une contre-expertise indépendante du score pour 3 modèles de smartphones, 2 ordinateurs portables et 1 TV.

Tout d’abord, en réalisant cet exercice, HOP souhaitait identifier les points flous de la grille. En conséquence, des demandes de clarifications sont formulées aux pouvoirs publics pour éviter toute marge d’interprétation. Mais cette contre-expertise était aussi motivée par le fait que ce sont les fabricants qui calculent et déclarent leurs propres notes.

Cubes de jeux pour enfants

HOP a cherché à vérifier la fiabilité des notes en procédant à une contre-expertise.

Bien que l’association ne relève pas d’anomalie majeure, les résultats appellent à la vigilance puisque les scores obtenus par HOP sont inférieurs aux scores affichés par les fabricants dans cinq cas sur six, dont trois avec un écart de 1,3 à 1,5 sur 10 (soit 15% entre la note du fabricant et la note recalculée par HOP).

Ces résultats sont évidemment à interpréter avec certaines précautions (certaines limites à la méthode retenue sont explicitées dans le rapport). Néanmoins, ils donnent des indications fort intéressantes : les scores liés au critère de démontabilité semblent souvent très fidèles, mais des écarts interrogent sur le critère disponibilité des pièces ou des documents notamment.

Forte de ces observations, HOP appelle la Direction Générale de la Concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) à se saisir des résultats du rapport pour approfondir les contrôles et appliquer les sanctions opportunes.

HOP espère que ses recommandations trouveront un écho favorable auprès des autorités françaises, et qu’elles pourront également être utiles dans les discussions européennes sur le sujet. Rappelons qu’un an après son entrée en vigueur et deux ans avant le déploiement de l’indice de durabilité en France, l’indice de réparabilité est scruté de près en Europe, et dans le monde, pour le dupliquer dans d’autres pays et à l’échelle communautaire. Sur le marché unique, 450 millions de consommateurs bénéficieraient alors de cette mesure qui affecterait plusieurs milliards de produits.

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