Obsolescence esthétique : le Jury de déontologie publicitaire donne raison à HOP contre Microsoft

En mai 2020, l’association HOP déposait une plainte auprès du jury de déontologie publicitaire, pour une publicité contraire aux recommandations de développement durable. 

Le 27 juillet 2020, dans sa décision finale, le jury donnait raison à l’association : « le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît le point 9.1 g/ de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP » (autorité de régulation professionnelle de la publicité). 

 

 

 

Retour sur l’argumentaire de Samuel Sauvage, président de HOP, lors de l’audience.

« Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour examiner en quoi la publicité de Microsoft / Intel est contraire aux recommandations de développement durable de l’ARPP, en particulier de son article 9 : « la publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergie et de ressources naturelles ». 

Or, dans sa campagne adressée à des prospects, Microsoft et Intel nous semblent méconnaître cette recommandation à plusieurs titres. Tout d’abord, à l’évidence, elle encourage les entreprises à se débarrasser de leurs ordinateurs encore fonctionnels, sous prétexte qu’ils seraient âgés de 4 ans. A l’en croire, cette publicité annonce qu’un PC de 4 ans serait donc obsolète, alors que certaines entreprises les gardent plus de 8 ans. 

Selon la publicité, ce changement d’ordinateur se justifie par un motif financier : « les PC de plus de 4 ans peuvent coûter jusqu’à 1,5 fois plus cher en réparation et en maintenance ». Nous faisons ici face à une phrase problématique : non seulement le verbe « peuvent » n’apporte aucune information tangible, mais de plus, qui peut s’étonner qu’un ordinateur de quatre ans puisse coûter plus cher qu’un ordinateur neuf en réparation et en maintenance ? Il serait, au minimum, plus logique de comparer ces coûts à celui de l’acquisition de l’ordinateur. 

En deuxième lieu, la publicité omet de dire que si certains équipements deviennent obsolètes, c’est justement à cause de Microsoft et d’Intel ! L’obsolescence logicielle se retrouve dans les phrases suivantes : « le support de Windows 7 a pris fin, le support d’office 2010 prend fin bientôt ». Particulièrement anxiogène, cette dernière affirmation vise simplement à instiller la peur pour pousser les entreprises à se précipiter vers de nouveaux équipements. 

D’une certaine manière, c’est comme si, après l’achat d’une voiture, on nous disait qu’il faut remplacer la voiture car le tableau de bord électronique n’est plus mis à jour. Inconcevable pour l’automobile, cette pratique apparaît normale dans l’informatique. 

Cette comparaison m’amène à un troisième élément problématique de la publicité : la confusion entre le PC et le système d’exploitation. Dans la phrase « Ne comptez pas sur des PC obsolètes pour protéger votre entreprise », cette confusion est manifeste. C’est le système d’exploitation Windows 7 qui, n’étant plus maintenu par Microsoft, crée des risques de sécurité, et non le PC en lui-même ! Il suffit d’y installer un autre système d’exploitation (un logiciel libre, par exemple) pour continuer à utiliser l’ordinateur. 

Si nous portons cette plainte, c’est pour des raisons fondamentales. L’impact environnemental d’un ordinateur doit être rappelé : pour le concevoir, il faut près de 250 kg de matières premières, pour une émission de 40 kg d’eq. CO2, soit 15 fois plus qu’une chaîne hi-fi. L’essentiel de cet impact tient aux matières premières (30kg environ) et à la distribution (8kg environ), ce qui montre que l’utilisation de l’ordinateur n’a qu’un impact marginal sur son cycle de vie. Il est donc irresponsable, selon nous, d’appeler à renouveler ses équipements quand ils fonctionnent encore ! 

En conséquence, la défense de Microsoft et Intel ne tient pas la route quand elle s’appuie sur les moindres consommations d’énergie des nouveaux produits, car l’enjeu repose sur la durée de vie des ordinateurs, non sur leurs consommations électriques. La défense nous semble tout aussi intenable quand elle affirme « la publicité ne peut en aucun cas être raisonnablement considérée comme une incitation au remplacement d’équipements fonctionnels » : eh bien, si. 

Pour conclure, il ne vous aura pas échappé que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire dispose, à son article 50, que « toute publicité visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage ». Certes, ce jury n’a pas de compétence relative à la loi, il est tout de même possible de noter que, malgré toutes les vertus dont se parent les deux entreprises, elles semblent même éloignées des futurs standards législatifs. 

Pour toutes ces raisons, je vous demande de considérer ce message publicitaire comme contraire à la recommandation développement durable.»

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