Pour la première fois depuis le dépôt de la plainte par HOP contre certains fabricants d’imprimantes, Epson est sorti le 26 mars de son silence pour fournir certaines explications. Décryptage.
Le rappel des faits
Suite au dépôt d’une plainte par HOP en septembre 2017, le Procureur de la République a ouvert fin décembre, une enquête préliminaire visant Epson pour obsolescence programmée et tromperie, une première en France. Epson est accusé de raccourcir délibérément la durée de vie de ses cartouches d’encre et imprimantes. Plusieurs techniques sont dénoncées dans le rapport de l’association « Imprimantes : cas d’école d’obsolescence programmée ? » (septembre 2017) et par les témoignages d’utilisateurs : des cartouches affichées vides alors qu’elles contiennent encore de 20 à 40 % d’encre, le refus d’impression en noir quand une cartouche couleur est vide, voire le blocage d’autres fonctions de l’imprimante comme la numérisation ainsi que des tampons absorbeurs d’encre faussement indiqués en fin de vie. La colère des utilisateurs ne fait qu’augmenter, comme en témoigne le nombre de témoignages qui ne cessent de parvenir à l’association et les dires même d’Epson qui reconnaît que « ces derniers mois, le service clients a dû faire face à une inflation d’appels de personnes réclamant des explications ». Par ailleurs, La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), responsable de l’enquête, a récemment auditionné l’association HOP qui se dit confiante dans la suite de la procédure.
Le business très lucratif des cartouches
Concernant les faits techniques, Epson se défend que « pour bien fonctionner, [la tête d’impression] doit toujours être baignée dans du liquide, de telle sorte qu’il n’y ait pas d’air qui rentre dedans. Sinon l’impression commence à se dégrader et, à la fin, la tête d’impression est irrécupérable. » Que doit-on en penser ? A supposer que l’encre agirait comme un « liquide de refroidissement » pour la tête d’impression, cette dernière n’a pas besoin d’un volume de près de la moitié de l’encre restante et inutilisée pour être protégée… Pourquoi dans ce cas prendre tant de marge ? Quand on connaît le prix au litre de l’encre (2300€ !), on comprend mieux pourquoi cette marge est prise… Et on ne parle pas ici de la marge de profit du fabricant. Une cartouche vendue 59.95$ coûterait réellement 23 centimes à produire !
Epson ajoute que « remplacer cette pièce, avec le coût de la main-d’œuvre, peut coûter plus cher que racheter une imprimante d’entrée de gamme ». Et c’est bien là tout le problème… A qui tient-t-il de faciliter la réparation ? Il y a quelques années, sur certains modèles d’imprimantes (même d’entrée de gamme !) d’autres marques, ces têtes d’impression de changeaient très facilement. Il suffisait de les « clipser ». Le tout est que cette pièce soit rendue disponible par le fabricant…
Un tampon absorbeur prisonnier de l’imprimante
Par ailleurs, un autre problème soulevé dans la plainte est le cas du tampon absorbeur d’encre annoncé en fin de vie. Le tampon absorbeur est une éponge qui absorbe le surplus d’encre, considérée pleine par un compteur interne à l’imprimante, sans aucun lien avec le tampon. Cette erreur est très opaque, et la majorité des personnes qui se séparent de leur imprimante à cause de ce problème ne savent pas qu’elles sont en train de jeter quelques kg de DEEE (déchets électriques et électroniques) à cause d’une éponge qui a séché au fond de leur imprimante… C’est pourtant une pièce anodine. Il est dommageable à la fois pour l’environnement et pour le consommateur de jeter l’ensemble de l’imprimante à cause du tampon, qui devrait être facilement changeable. Epson évoque « des raisons de sécurité et de commodité ». Ne s’agit-il pas plutôt de s’assurer que le client ne puisse pas rentabiliser plus longtemps sa machine ? Nous soupçonnons que le but est plutôt de l’obliger à acquérir un nouveau modèle d’imprimante, pour laquelle il n’existera pas de cartouches génériques.
Selon Epson ce changement peut s’effectuer gratuitement, cette information est introuvable du commun des mortels, inconnue des consommateurs, et pire, inconnue de la majorité des professionnels ! Visiblement Epson se garde bien d’en faire la publicité.
Des conséquences graves
Ces pratiques engendrent pollution, gaspillage de ressources et surtout baisse du pouvoir d’achat pour le consommateur pour qui ce modèle économique revient très cher… En effet, les cartouches contiennent des composants toxiques pour l’environnement et peuvent mettre jusqu’à 1000 ans à se décomposer. Ces impacts sur l’environnement ne sont pas anodins alors qu’environ 1,1 milliard de cartouches sont vendues par an dans le monde, et qu’environ 70 millions de cartouches sont jetées par an en France.
Pour en savoir plus, Envoyé Spécial diffusera ce jeudi 29 mars un reportage consacré à ce sujet.
En tant qu’association, nous pensons que la colère des usagés est justifiée. Nous espérons voir ce modèle évoluer vers des pratiques plus respectueuses des consommateurs et de l’environnement. La balle est aujourd’hui dans le camp de la justice qui continue d’enquêter sur le sujet. Il appartient aussi aux fabricants de faire évoluer leurs pratiques, ainsi qu’aux consommateurs de s’informer et de se fédérer pour demander des produits plus durables et réparables.
Pour faciliter l’allongement de la durée de vie de ses cartouches, sachez qu‘il existe un « resetter » pour relancer une cartouche vide. Si vous avez vous-même rencontré un problème d’imprimante, dites le nous !
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