Le 30 mars 2022, la Commission européenne a publié son “Paquet économie circulaire”, une série de propositions organisées autour de 2 grandes initiatives. Ici, nous nous intéressons à la première. L’objectif annoncé : faire des produits durables la norme en Europe.

Cette initiative fait suite aux annonces faites dans le Pacte Vert et comprend trois grands axes. Le premier axe est une proposition de règlement sur l’écoconception des produits durables, complétée d’un Plan de travail 2022-2024 sur l’écoconception et l’étiquetage énergétique. Les deuxième et troisième axes portent respectivement sur les produits textiles et les produits de construction. Nous nous focalisons ici sur le premier axe, qui comporte des éléments importants en matière d’allongement de la durée de vie des objets.

Un cadre plus précis pour plus de produits écoconçus

Depuis 2009, la directive Ecodesign établit un cadre concernant l’écoconception des produits. Le principe est simple : fixer des exigences minimales de durabilité, que doit respecter un produit avant sa mise sur le marché européen. Des exigences communes à tous les produits concernés sont définies de manière horizontale, tandis que des exigences spécifiques par catégories de produits sont inscrites dans des directives dites verticales. Les limites du cadre actuel sont nombreuses : les critères horizontaux ne sont pas exhaustifs, seuls les produits consommateurs d’énergie sont concernés et parmi ces produits, un grand nombre n’ont pas encore de directive verticale spécifique.

Avec sa proposition de règlement sur l’écoconception des produits durables (ESPR), la Commission propose d’étendre le champ des produits concernés par la directive Ecodesign à l’ensemble des produits (à l’exception de la nourriture, des médicaments et des organismes vivants). L’ESPR vise aussi à renforcer la directive Ecodesign, en ajoutant et en précisant certaines exigences et en renforçant les directives verticales qui existent déjà pour certains produits. HOP se réjouit de cette ambition revue à la hausse, car l’éco-conception des produits est absolument clé pour leur permettre de durer plus longtemps et de réduire leur empreinte environnementale.

L’éco-conception des produits est absolument clé pour réduire leur empreinte environnementale (@Anna Shvets)

Vos produits auront bientôt leur propre passeport

Les produits mis sur le marché devront en effet respecter un certain nombre de critères de performance en matière d’éco-conception. Pour cela, ils devront satisfaire de nombreuses exigences, qui auront des effets sur toutes les phases du cycle de vie des produits. En ce qui concerne la durée de vie des produits, HOP se félicite de la présence de critères de durabilité (entendue comme la capacité du produit à fonctionner dans le temps), de fiabilité, de possibilité de réemploi et de remise à niveau et de réparabilité notamment. Ces critères seront adaptés en fonction des catégories de produits et des seuils spécifiques à chaque produit seront fixés. Néanmoins, le texte précise déjà la définition de certains de ces critères. Par exemple, on sait que la réparabilité reprend les critères de l’indice français, à l’exception regrettable du critère du coût des pièces détachées, et en y ajoutant d’autres critères, comme l’accès aux logiciels requis.

Pour compléter ces exigences à destination des fabricants, l’ESPR prévoit aussi d’améliorer l’information des consommateurs. Pour cela, un passeport numérique sera créé pour chaque produit, regroupant notamment des informations sur la durabilité, la réparabilité, la disponibilité des pièces détachées ou encore la recyclabilité et la consommation d’énergie.

Adieu, l’accord volontaire sur les imprimantes

Le texte prévoit aussi la possibilité de créer de nouvelles exigences sur la commande publique, afin d’orienter les Etats et les collectivités vers l’achat de biens plus durables. En attendant, d’autres mesures sont envisagées, comme la mise à disposition de guides à destination des Etats membres pour soutenir le secteur de l’économie circulaire et les aider à développer des incitations au développement de l’économie de la fonctionnalité, du réemploi et de la réparation.

Autre point intéressant, dans le Plan de travail, la Commission annonce qu’elle rejette l’accord volontaire proposé par les fabricants d’imprimantes. HOP se félicite de cette décision, puisque l’accord volontaire visait à bloquer l’utilisation de cartouches génériques et à limiter la réparabilité des imprimantes.

La Commission européenne a rejeté l’accord volontaire proposé par les fabricants d’imprimantes (@George Milton)

Une ambition à maintenir dans le temps et à décliner produit par produit

Le texte ne contient pas d’interdiction de destruction des invendus, mais invite seulement les grandes entreprises à déclarer leur nombre d’invendus jetés, la raison de cette destruction et le volume d’invendus réparés, réutilisés, recyclés et valorisés énergétiquement. HOP regrette ce manque d’ambition, d’autant que la France a d’ores et déjà interdit la destruction des invendus, preuve que ce changement est possible.

Un autre point à avoir en tête est le temps important qui devrait se dérouler avant de voir apparaître les premiers effets concrets de l’ESPR. La rédaction de directives spécifiques à chaque catégorie de produits représente un travail immense, qui ne pourra pas être terminé avant une dizaine d’années sans des moyens humains et financiers suffisants. Or, à ce stade, la Commission européenne ne prévoit pas de ressources humaines supplémentaires sur le sujet de l’écoconception, malgré une ambition revue à la hausse sur les objectifs. Il sera important que la Commission veille à associer l’ensemble des parties prenantes à ces travaux, notamment les ONGs œuvrant pour la durabilité, dont les ressources sont malheureusement souvent faibles par rapport aux enjeux et au lobbying des industriels.

Par ailleurs, le principe d’autorégulation du marché comme alternative à la régulation occupe encore une place importante dans le texte. Concrètement, cela signifie que les fabricants pourront proposer eux-mêmes des exigences pour les produits qu’ils mettent sur le marché de manière « volontaire » si une directive spécifique n’existe pas encore pour ces produits. Cela nous ramène au problème précédent : on peut craindre que, faute de temps et de moyens, les institutions européennes délèguent aux entreprises le soin de créer leurs propres règles pour une part conséquente des produits.

Enfin, il est important de garder à l’esprit que c’est dans le détail de la rédaction des directives spécifiques à chaque produit que l’essentiel se jouera. Il faudra veiller à ce que les seuils et critères fixés soient les bons, sans quoi cette régulation pourrait devenir une coquille vide… voire même contre-productive.

Et après ?

Le projet de texte de la Commission fait l’objet d’une consultation publique ouverte jusqu’au 21 juin 2022. Pour entrer en vigueur, il devra ensuite être adopté par le Conseil et le Parlement, qui ont la possibilité de l’amender. Par ailleurs, ce texte est complété par l’initiative visant à donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique et l’initiative sur le droit à la réparation.

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