Le 30 mars 2022, la Commission européenne a dévoilé son “Paquet économie circulaire”, une série de propositions organisées autour de 2 grandes initiatives. Dans cet article, nous nous focalisons sur la seconde qui vise à donner aux consommateurs les moyens d’agir pour la transition écologique.
En amont de ces travaux, la Commission européenne a mené une analyse d’impact sur la manière dont les consommateurs sont informés sur les biens qu’ils achètent. Il en ressort deux écueils principaux :
- Les consommateurs ne disposent pas d’informations fiables aux points de vente leur permettant de poser des choix de consommation durables : que ce soit sur les caractéristiques environnementales des biens, leur durée de vie et leur réparabilité.
- Les consommateurs sont confrontés à des pratiques commerciales trompeuses quant à la durabilité des produits : durée de vie inférieure à celle attendue, pratiques d’écoblanchiment (greenwashing) avec des allégations environnementales peu claires ou pas étayées, etc.
Face à ce constat, et à la suite des annonces faites dans son Pacte Vert, la Commission européenne veut légiférer pour renforcer la protection des consommateurs et aller vers une économie plus circulaire. Ainsi, l’objectif affiché de cette initiative est de “contribuer à une économie européenne circulaire, propre et verte en permettant aux consommateurs de prendre des décisions d’achats en connaissance de cause et, partant, de contribuer à une consommation plus durable. La proposition vise également les pratiques commerciales déloyales qui induisent les consommateurs en erreur et les détournent de choix de consommation durables”.
Pour ce faire, la Commission propose un nouveau texte modifiant deux textes existants :
- La directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs
- La directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales
“Un nouveau droit à l’information sur la durabilité et la réparabilité des produits”
La modification de la directive relative aux droits des consommateurs vise à élargir et renforcer le cadre qui impose aux producteurs de fournir des informations sur les principales caractéristiques des biens vendus. Avec cette proposition, la Commission souhaite renforcer la transparence sur les garanties commerciales, et imposer aux fabricants de fournir des informations sur l’existence et la période pendant laquelle le producteur s’engage à fournir des mises à jour logicielles ainsi que sur la réparabilité des produits.
Sur ce dernier point, la proposition de directive prévoit l’affichage d’un indice de réparabilité lorsqu’il est prévu au niveau européen pour le produit en question, et à défaut que les consommateurs reçoivent des informations pertinentes (lorsqu’elles sont disponibles), telles que la disponibilité de pièces de rechange (et l’existence d’une procédure pour les commander) ou de manuels de réparation.
Ces propositions sont les bienvenues pour HOP, qui pousse pour une meilleure information des consommateurs dans son Livre blanc européen. Sur la réparabilité, HOP se félicite de ce grand principe d’information, mais appelle maintenant la Commission à généraliser la mise en place d’un indice de réparabilité européen à de nombreux produits (pour le moment un indice est en cours d’élaboration seulement pour les smartphones et les tablettes).
HOP appelle à l’instauration d’un indice de durabilité européen
Néanmoins, HOP déplore que la Commission ait écarté l’obligation d’informer les consommateurs de la durée de vie attendue des biens, jugeant cette voie trop complexe. A la place, elle préfère renforcer l’information sur les garanties commerciales proposées ou non par les fabricants, estimant que cela devrait “inciter les professionnels à se faire concurrence en ce qui concerne la fourniture et la durée de ces garanties” stimulant ainsi “indirectement la fabrication de produits ayant une durée de vie plus longue”. HOP appelle ainsi à l’instauration d’un indice européen de durabilité.
Que ce soit pour la réparabilité ou les mises à jour logicielles, le texte prévoit de rendre obligatoire l’information au point de vente, “sauf si de telles informations ne sont pas disponibles”. Cette exception nous semble une faiblesse dans le texte. Pour HOP, il convient au contraire de s’assurer que la transmission systématique de cette information constitue une obligation pour le producteur. A minima, il faudrait s’inspirer de l’obligation française d’information sur la disponibilité des pièces détachées : lorsque l’information n’est pas disponible, le vendeur indique par défaut que la pièce n’est pas disponible.
Un texte qui manque d’ambition : à quand l’interdiction de l’obsolescence programmée ?
La modification de la directive sur les pratiques commerciales déloyales (et de sa “liste noire” en Annexe 1) vise à élargir la liste des caractéristiques du produit au sujet desquelles un professionnel ne peut induire les consommateurs en erreur (incluant la durabilité ou la réparabilité par exemple), à mieux encadrer les allégations environnementales des fabricants sur leurs produits pour lutter contre le greenwashing, ainsi qu’à bannir certaines pratiques concourant à l’obsolescence prématurée des biens.
Concernant la lutte contre l’obsolescence prématurée, la proposition de directive interdit une liste de pratiques spécifiques. En voici la liste :
- Omettre d’informer le consommateur qu’une mise à jour logicielle aura un impact négatif sur l’utilisation de biens comportant des éléments numériques ou sur certaines caractéristiques de ces biens, même si la mise à jour logicielle améliore le fonctionnement d’autres caractéristiques.
- Omettre d’informer le consommateur de l’existence d’une caractéristique d’un bien introduite pour limiter sa durabilité.
- Affirmer qu’un bien a une certaine durabilité en termes de temps d’utilisation ou d’intensité alors que ce n’est pas le cas.
- Présenter les biens comme permettant la réparation alors qu’ils ne le permettent pas, ou omettre d’informer le consommateur que les biens ne permettent pas la réparation conformément aux exigences légales.
- Inciter le consommateur à remplacer les consommables d’un bien avant que cela soit nécessaire pour des raisons techniques.
- Omettre d’informer qu’un bien est conçu de manière à limiter ses fonctionnalités lorsque des consommables, pièces détachées ou accessoires qui ne sont pas fournis par le producteur original sont utilisés.
HOP se félicite de la prise de conscience de la Commission au sujet de l’obsolescence programmée, mais regrette qu’une interdiction en soi de l’obsolescence programmée ou prématurée ne soit pas également formulée. La Commission européenne revendique une approche pragmatique en se concentrant sur des pratiques identifiées, mais les pratiques peuvent évoluer, et une telle interdiction aurait une portée et un écho fort. Surtout, ces pratiques doivent être interdites et non pas notifiées aux consommateurs !
Ainsi, l’introduction d’une caractéristique d’un bien limitant sa durabilité, ou l’instauration de limitations de fonctionnalité du fait de l’utilisation d’une pièce ou d’un consommable non original doivent être purement et simplement bannies. De même, sur les aspects liés à la réparabilité, HOP appelle à ce que les produits irréparables ne puissent tout simplement pas être vendus sur le marché européen. HOP appelle ainsi la Commission à aller plus loin et à interdire ces pratiques à la source.
Et après ?
Le projet de texte de la Commission fait l’objet d’une consultation publique ouverte jusqu’au 29 mai 2022. Pour entrer en vigueur, il devra ensuite être adopté par le Conseil et le Parlement, qui ont la possibilité de l’amender. Par ailleurs, ce texte est complété par la l’initiative de la Commission pour des produits durables (cf notre article de décryptage) et l’initiative sur le droit à la réparation.
Nos autres articles sur le Paquet économie circulaire :
- Général : “Europe : l’obsolescence programmée sur la sellette”
- Initiative n°1 : “Paquet économie circulaire : des produits durables, sinon rien”
- Initiative n°2 : “Paquet économie circulaire : redonner le pouvoir aux consommateurs ?” (article en cours de lecture)
Crédits photo : Andrea Piacquadio