La loi peut contribuer à rendre la réparation plus attractive et donc dynamiser un secteur d’avenir pour l’économie circulaire, dans l’intérêt du consommateur comme de la planète.
Une réparation souvent trop chère pour les consommateurs
La situation n’est que trop familière : votre smartphone ou notre ordinateur tombe en panne, et le faire réparer coûterait la moitié voire autant que le prix de l’appareil neuf. Déçus, vous préférez un équipement neuf. Que vous ayez les moyens ou non, l’opération ne vous semble pas rentable. Vous n’êtes pas seuls : 63 % des Français affirment qu’un coût moins élevé des réparations pourrait les inciter à faire réparer leurs produits en panne[1].
En effet, le coût de la réparation inclut souvent un devis et les pièces détachées, mais aussi la main d’œuvre et parfois les frais de déplacement des réparateurs jusqu’à votre domicile. La facture peut vite sembler élevée au regard du prix des produits neufs : de manière générale, les consommateurs renoncent à la réparation lorsqu’elle coûte en moyenne plus de 30 % du prix du neuf[2].
La confiance est également une dimension à prendre en compte : racheter un produit neuf lors d’une panne peut parfois sembler être une solution rassurante, car le produit profitera d’une garantie légale pendant 2 ans, tandis qu’un produit qui retombe en panne après une réparation n’est pas couvert (bien que souvent les professionnels offrent une garantie commerciale de 3 mois) [3]. Il peut en outre se révéler parfois difficile de connaître les professionnels fiables autour de chez soi pour faire réparer ses produits en toute confiance.
Ces obstacles à la réparation pénalisent à la fois le pouvoir d’achat des Français et la planète. Ainsi, même si 77 % des Européens déclarent préférer réparer leurs produits plutôt que d’en racheter de nouveaux[4], c’est encore près de 40 millions de biens qui tombent en panne sans être réparés chaque année et qui deviennent finalement des déchets[5].
Le fonds réparation : concrètement, comment ça fonctionne ?
Face à un coût de la réparation parfois dissuasif, l’association HOP, avec d’autres parties prenantes, propose une solution inédite : le fonds dédié à la réparation.
Grâce à ce fonds, tout consommateur qui se rendrait chez un réparateur labellisé par l’Etat aurait droit à une réduction significative du total de la facture de réparation. Concrètement, par exemple, le consommateur n’aurait qu’à payer 50 euros au lieu de 100 pour réparer une panne d’ordinateur (les montants restent à fixer précisément). Ce mécanisme s’appliquerait sur toutes les réparations hors garantie. Le réparateur labellisé, justifiant son opération, se tournerait ensuite vers le fonds de la réparation pour compléter le montant de la facture.
La gouvernance du fonds doit être partagée entre les parties prenantes (ONG, réparateurs, distributeurs, éco-organismes, institutions…) et reste à définir pour arriver à un juste équilibre. Le fonds de la réparation ne doit pas être confondu avec le réemploi, qui représente un autre pilier fort de l’économie circulaire. Impliquants des acteurs et des mécanismes très différents, chaque secteur doit bénéficier d’un champ dédié.
Responsabiliser les fabricants des produits les moins réparables
Si ce n’est pas le consommateur qui paie l’ensemble de la facture, qui paie le reste ? Le fonds réparation serait alimenté par les metteurs sur le marché des produits, qui contribueraient plus ou moins, via des bonus-malus, en fonction de leurs efforts pour concevoir des biens réparables. Un bien conçu pour être réparable représente un gain de temps, et donc d’argent, considérable in fine. Pièces détachées disponibles, outils standards, temps de démontage, remontage, notice disponible… autant de critères qui permettront de connaître les bons élèves des mauvais, ayant renseigné en amont l’indice de réparabilité obligatoire.
Un fonds maîtrisé
Une gabegie financière ? Loin de là, le fonds de la réparation, s’il baisse le coût effectif de la réparation de produits pour tous les consommateurs, n’est pas la porte ouverte à toutes les dérives. Au contraire, il permet de structurer l’offre afin de rationaliser les coûts dans ce secteur. Les devis ou diagnostics pourront être réalisés à titre gratuit grâce à l’investissement mutualisé dans des outils d’intelligence collective. Ainsi, le consommateur pourra lui-même aider le réparateur à identifier la panne et la pièce nécessaire, lui évitant parfois de se déplacer inutilement.
Membre d’un réseau labellisé de confiance, les réparateurs bénéficiaires qui participeront au fonds devront respecter des conditions notamment sur les prix (engagements sur les marges, garanties…), afin d’éviter tout effet d’aubaine. Les frais de gestion des dossiers seront également rationalisés grâce à des outils numériques mutualisés et ergonomiques.
Enfin, le fonds pourra cibler dans un premier temps certaines catégories de produits, les plus pertinentes, avant de s’élargir à d’autres dans le but d’expérimenter l’opération dans le cadre d’un budget raisonnable. Certaines régions pilotes pourraient aussi soutenir le mécanisme.
Développer l’expertise de la réparation
Il est tout à fait souhaitable que les réparateurs engagés dans le fonds contribuent aussi à agréger des données de la réparation, en faisant remonter les résultats de leurs réparations via la plateforme Produits Durables qui renforce la transparence en classant les marques en fonction de leur durabilité et challenge les fabricants à s’améliorer. Les membres du réseau RéparActeurs s’y engagent déjà aux côtés de l’association HOP.
Leur action de terrain pourrait aussi permettre de vérifier à postériori la fiabilité de l’indice de réparabilité, et de faire éventuellement remonter de fausses déclarations aux autorités par l’intermédiaire de Produits Durables (par exemple, si un fabricant a indiqué 10 ans de disponibilité des pièces détachées mais que le réparateur ne peut pas se les procurer au bout de 7 ans).
Ainsi, le fonds réparation permettrait in fine au consommateur de réparer pour moins cher au sein d’un réseau de professionnels de confiance contrôlés, de structurer un secteur d’activité afin qu’il soit encore davantage compétitif, tout en participant à un mouvement plus large pour la conception de produits plus durables et réparables.