Le bonus réparation est une initiative remarquable et pionnière de la France, un effort colossal pour soutenir financièrement tous les ménages à réparer leurs objets, voulu par les parlementaires et le Gouvernement afin de favoriser une économie circulaire et réduire le gaspillage.
L’association HOP – Halte à l’obsolescence programmée, qui a milité en faveur de ce dispositif innovant, salue les efforts des éco-organismes, ainsi que ceux des parties prenantes, pour penser et travailler à sa mise en œuvre.
Malgré de grands progrès, l’association s’interroge sur les résultats obtenus, en faveur des citoyens et des réparateurs, en particulier pour les artisans.
Par la publication du présent rapport, l’association a cherché à mesurer de manière indépendante et scientifique, grâce au précieux concours de chercheur·euses, l’impact du bonus réparation, un an après son entrée en vigueur, au regard des objectifs escomptés de cette initiative : rendre la réparation plus attractive, grâce à un soutien financier simple, accessible et un label de confiance, afin d’accroître la demande de réparation, et in fine l’offre, pour tendre vers une économie plus circulaire, comptant de nouveaux emplois dans le secteur.
Le bonus est un outil qui s’inscrit dans un engagement plus large et cohérent de la loi Anti-Gaspillage et Économie Circulaire (AGEC). En parallèle du fonds réparation, l’indice de réparabilité (qui devient un indice de durabilité dès 2024 sur plusieurs produits) permet quant à lui d’éclairer les consommateur·ices dans leurs choix d’achat grâce à une note sur 10, et ainsi objectiver la durabilité d’un objet neuf pour inciter à une consommation et une production plus soutenable. De ces outils innovants découlent d’autres initiatives intéressantes comme le projet d’éco-modulations des éco-contributions (finançant la gestion de la fin de vie des produits dans le cadre de la responsabilité pollueur-payeur) en fonction de la réparabilité des produits mis sur le marché par les fabricants.
L’Union européenne s’inspire des propositions de l’Hexagone. Elle s’est engagée à ce que la durabilité des produits devienne la norme et à donner plus de pouvoir aux consommateurs. Notamment avec l’encadrement des allégations environnementales qui ne pourront plus être utilisées comme argument de vente si elles ne sont pas fondées.
De plus, un indice européen de durabilité sur les smartphones et tablettes, par exemple, devrait apparaître à partir de 2025 et se mettre en place progressivement, produit par produit. Si ces propositions peuvent maximiser l’impact positif en vue d’allonger la durée de vie des produits sur le marché européen, elles n’atteindront les objectifs attendus qu’à condition de garantir un niveau d’exigence au moins équivalent ou supérieur aux indices français.
Les impacts environnementaux positifs de la réparation ne sont plus à démontrer. Faut-il encore réussir à dépasser le statu quo. Selon l’ADEME, seuls 10% des produits électriques et électroniques hors garanties sont réparés. Force est de constater que bien qu’il existe un tissu de réparateurs sur le territoire, les citoyens, qui semblent pourtant avoir l’envie de réparer, ne vont pas jusqu’au bout de la démarche. Près de 70% d’entre eux y renoncent à cause du prix ; nombreux citent également l’obsolescence programmée.
Un bonus réparation simplifié pour les consommateur·ices
Malheureusement, réparer représente encore aujourd’hui, en général, un effort, une charge mentale plus importante que renouveler un bien. C’est pourquoi, pour l’association HOP, il est essentiel que le dispositif du bonus soit particulièrement simple et accessible pour les consommateur·ices. Ils n’ont aucun intérêt à changer de comportement (sauf moral), dans un monde où renouveler à neuf est si confortable, rapide, peu coûteux. Les réparateurs, eux, pourraient trouver un intérêt économique à fournir quelques efforts pour proposer un bonus réparation à leurs clients, en misant sur une augmentation de leur visibilité, de leur chiffre d’affaires, des gains d’attractivité et une stratégie de fidélisation de la clientèle, par exemple.
Cela étant dit, le processus de labellisation doit être accessible à tous, sans discrimination à l’égard des artisans réparateurs indépendants qui garantissent aux citoyens un fin maillage territorial, un savoir-faire important et des prix éventuellement plus attractifs. Ce rapport démontre que les freins administratifs et financiers restent forts pour les artisans ou TPE, et doivent être levés pour une adhésion massive des réparateurs au dispositif.
La force du fonds réparation, financé par les éco-contributions collectés par les éco-organismes, est qu’il peut s’appliquer à de nombreux produits et filières. Presque un an après les produits électriques et électroniques, le secteur textile est désormais concerné par un bonus sous l’impulsion de Refashion.
Les jouets, les articles de sport ou de bricolage devraient également pouvoir être réparés moins cher grâce à un bonus. Toutefois, la faiblesse de ce déploiement par filière REP repose sur le manque de cohérence entre les dispositifs. HOP aspire à
ce que le présent rapport et ses enseignements soient utiles pour l’ensemble des filières et que les bonnes pratiques soient partagées afin de maximiser l’efficience du fonds et sa lisibilité pour les citoyen·nes comme pour les réparateurs labellisés. Selon HOP, les bonus pionniers sur les produits électriques et électroniques s’astreint d’ailleurs à certaines règles vertueuses qu’il serait judicieux d’ériger en principes généraux pour toutes les filières comme le fait de ne pas avoir besoin de justificatifs d’achat, ne pas restreindre la réparation aux produits d’une marque en particulier, ou encore des critères de proximité de la réparation.
Cette étude montre que les montants des bonus, la proximité des réparateurs et la communication représentent des points cruciaux de la réussite du dispositif.
Le rapport démontre la difficulté des réparateurs artisans d’accéder au label permettant d’offrir le bonus réparation et dresse des recommandations pour y remédier. Il serait troublant et inquiétant que les principaux bénéficiaires du dispositif (dans les acteurs labellisés) soient les metteurs sur le marché, au regard de leur influence dans la gouvernance des éco-organismes. Dans une logique d’efficience, il pourrait sembler plus opportun d’avoir des soutiens financiers incitatifs chez de nombreux réparateurs partout en France sur moins de produits, priorisés en fonction de leur réparabilité, leur
taux d’équipement dans les foyers et leurs empreintes environnementales, par exemple, plutôt qu’une aide saupoudrée sur un large spectre de produits — parfois pas ou peu réparables —, disponible auprès d’un réseau restreint de réparation labellisé.
Afin d’approfondir ces réflexions avec l’ensemble des parties prenantes et évaluer la faisabilité des recommandations formulées par ce rapport, l’association HOP appelle le Gouvernement à réunir de manière régulière le Comité National de la Réparation (CNR), et plus généralement repenser le fonctionnement des systèmes REP.
Allons au-delà d’une incitation économique. Elle est indispensable pour les citoyens, grâce au fonds réparation, et a le mérite d’exister. Cependant, pour répondre pleinement à l’objectif d’allonger la durée de vie des objets, HOP invite les décideurs politiques à inscrire leurs efforts dans une démarche plus systémique et prospective pour développer l’économie circulaire. Il s’agit de prendre à bras-le-corps d’autres enjeux critiques comme la formation des réparateurs, la sensibilisation à la maintenance dès l’école et les leviers pour réduire l’obsolescence marketing.