Rapport d’enquête

L’obsolescence accélérée des voitures thermiques et électriques

HOP expose comment certains constructeurs développent des pratiques de “voitures jetables”.

La réduction de l’empreinte sanitaire et environnementale du secteur routier est nécessaire. Celle-ci doit avoir lieu avant tout grâce à des mesures de sobriété et de report sur d’autres moyens de transport moins polluants. Mais le secteur automobile est au cœur d’une transition, puisque d’ici à 2050, il ne devrait plus y avoir de voitures thermiques en circulation. Cette mutation conduit à une obsolescence accélérée de la flotte actuelle de véhicules individuels et à l’électrification progressive du parc automobile.

La durée de vie des véhicules est actuellement estimée à 19 ans, mais les réglementations qui bouleversent le secteur automobile accélèrent l’obsolescence des voitures. C’est le cas en particulier pour au moins 34 % du parc automobile en France concerné par l’exclusion des Zones à faible émission (ZFE) d’ici à 2025, selon un rapport du Sénat. Si de nombreuses personnes seront pénalisées par cette obsolescence réglementaire, elle peut sembler justifiée d’un point de vue sanitaire et environnemental. La transition est, par ailleurs, accompagnée de certains dispositifs d’aides (prime à la conversion, bonus écologique, leasing électrique, etc.). Ils ne répondent que partiellement aux enjeux des automobilistes, confrontés à des arbitrages économiques et écologiques complexes, sur un marché dominé à près de 75 % par l’achat d’occasion.

La durée de vie des véhicules est actuellement estimée à 19 ans

Se pose néanmoins la question du devenir de ces véhicules polluants, mais encore fonctionnels. Pour remplacer les anciens véhicules, les politiques publiques poussent à l’acquisition de véhicules récents et électriques. En Europe et en France, le choix politique actuel est, en effet, celui de l’électrification du parc automobile, via l’instauration de normes et de dispositifs d’incitations économiques (tels que la réglementation Corporate Average Fuel Economy dite “CAFE”). Puisqu’à compter de 2035 les véhicules thermiques et hybrides neufs ne pourront plus être mis en vente sur le marché européen, la quasi-totalité des constructeurs proposent désormais une gamme de voitures électriques. À l’usage, ces derniers consomment de l’électricité, qui coûte et pollue a priori moins que les hydrocarbures en Europe. Elles représentent donc un atout contre le réchauffement climatique. Cependant, elles sont plus chères à produire, et leur fabrication a un impact carbone supérieur à celui de la production des voitures thermiques, du fait de la batterie.

Par ailleurs, la production des véhicules électriques suppose d’autres types d’impacts qui doivent être pris en compte pour évaluer l’empreinte écologique totale du secteur (eutrophisation, ressources naturelles, etc.). Ainsi, pour favoriser la mobilité durable,
la durabilité et la réparabilité des véhicules électriques s’imposent comme une condition sine qua non de la transition.

Les enjeux critiques pour la durabilité des voitures modernes

Dans ce rapport, les autrices mettent en lumière de nombreuses failles qui s’immiscent dans les rouages bien huilés de l’économie circulaire, historiquement développée dans le secteur automobile qui subit lui aussi l’obsolescence des voitures. Elles identifient trois grands enjeux critiques pour la durabilité des véhicules modernes.

D’une part, la durée de vie des véhicules électriques est mise en péril. Malgré une probable endurance des batteries, rien n’encadre aujourd’hui leur durabilité, ni ne donne de garanties suffisantes de fiabilité pour les consommateurs. Or, leur réparabilité est rendue très complexe, voire impossible, par des difficultés de désassemblage (usage de résine, mousse, irréparabilité des modules qui les composent, etc.).


D’autre part, dans une optique de réduction des coûts de production, un certain nombre de constructeurs tendent vers des techniques de conception qui rendent la réparation économiquement, voire techniquement impossible. Un autre exemple marquant est celui du giga-casting, pratique industrielle consistant à mouler d’un seul bloc de nombreuses pièces de la voiture, ce qui pourrait obliger à jeter et remplacer une grande partie du véhicule après un choc. Pour l’instant, le risque de “giga-gâchis” qui en découle concerne quelques modèles de voitures électriques seulement, mais HOP craint que cette pratique ne se généralise.

Globalement, le secteur se confronte à des problématiques relatives à la démontabilité des véhicules, l’accès aux pièces détachées et aux composants ou encore de réduction des services après-vente chez certains fabricants. Le risque est celui de voir advenir des “voitures jetables”. Les nouvelles routes empruntées par certains constructeurs qui priorisent la baisse des coûts de production au détriment de la réparabilité des véhicules ne doivent pas devenir la norme.
Enfin, la présence croissante d’électronique et de logiciels embarqués, qui donnent aux véhicules connectés des allures de “ smartphones roulants”, fait croître le risque d’obsolescence logicielle, et participe à complexifier la réparation hors des réseaux agréés par les constructeurs (à cause par exemple de pratiques de “sérialisation”, d’indisponibilité de certains composants électroniques, d’accès bloqués à des données essentielles pour établir un diagnostic ou réparer, etc.).

Propositions contre l’obsolescence des voitures


Coûts de réparation possiblement exorbitants (directement pour les clients ou auprès des assurances), renouvellement prématuré du véhicule ; nouveaux coûts “cachés” à l’achat relatif à la mise à jour des logiciels ; services ou applications ; service après-vente peu ou pas disponible, etc. les conséquences de ces pratiques touchent les consommateurs qui n’ont pas de visibilité sur le coût total de possession d’un véhicule au moment de l’achat. Les acteurs économiques composant l’écosystème de l’économie circulaire pourraient également être mis en difficulté (marché de la réparation, du reconditionnement, de l’occasion, etc.). Les constructeurs européens historiques peuvent être considérés, à certains égards, comme des victimes de ces pratiques. En cause, une compétitivité acharnée face à des véhicules électriques vendus à des prix attractifs par quelques concurrents américains ou chinois, au détriment de la réparabilité.

Comme le soulignent les experts auditionnés lors de cette enquête, l’industrie de l’automobile s’inscrit dans des temps longs. Pour autant, pour l’association HOP, cela ne doit pas être synonyme d’inertie ou d’inaction, face aux signaux inquiétants d’une trajectoire insoutenable. Il s’agit de poser dès maintenant les jalons de bonnes pratiques pour l’économie circulaire du parc automobile électrique, qui va remplacer le thermique, afin d’allier baisse des émissions de CO2, respect des consommateurs et production responsable. L’association formule 7 recommandations à l’intention des décideurs publics (en particulier européens), pour garantir la durabilité et la réparabilité des véhicules thermiques et électriques à venir.

Pour contrer l’obsolescence des voitures et des véhicules, HOP propose :

  • d’instaurer des garanties de réparabilité des batteries
  • d’imposer des normes de réparabilité : des pièces démontables et disponibles pendant au moins 20 ans
  • de lutter contre la menace d’obsolescence logicielle : interdire les verrous logiciels qui font obstacle à la réparation/réemploi des pièces, et maintenir les logiciels pendant au moins 20 ans.
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