Avons-nous réellement gagné le “droit à la réparation” ?
Ce texte de réaction au vote du Parlement européen sur texte concernant le "droit à la réparation" a été produit à partir de l’article d’analyse de la campagne Right to Repair dont HOP fait partie. 

Après des années d’intenses campagnes menées par les défenseur·euses du droit à la réparation, les législateurs et législatrices européen·nes se sont enfin mis·es d’accord sur de nouvelles règles en matière de réparation. La campagne Right to Repair Europe (R2R), dont fait partie Halte à l’obsolescence programmée (HOP), et qui fédère plus de 140 organisations dans 24 pays européens, se réjouit que la nouvelle loi ouvre la voie à un meilleur accès à la réparation abordable de certains produits.

Cependant, nous notons que cette loi manque une occasion majeure de créer un marché de la réparation véritablement équitable en Europe et de garantir des solutions de réparation abordables pour la majorité des produits sur le marché européen. Il est regrettable que le champ des produits couverts par cette directe reste très limité et que des exceptions aient été introduites. Les pays de l’UE auront deux ans pour intégrer cette directive dans leur législation nationale.

Un meilleur accès à la réparation pour une sélection de produits

Les nouvelles règles visent à améliorer l’accès des consommateur·trices européen·nes à la réparation pour une sélection de produits. Le champ d’application est limité aux biens achetés par les consommateur·ices (ni les biens inter-entreprises, ni les biens industriels ne sont couverts) et aux produits déjà couverts par des exigences de réparabilité en vertu de la législation de l’UE. Actuellement, il s’agit des lave-linges, sèche-linges, lave-vaisselles, réfrigérateurs, téléviseurs, soudeuses, aspirateurs, serveurs, téléphones, tablettes et batteries de moyens de transport légers (tels que les vélos et scooters électriques).

Obligation pour les fabricants de réparer au-delà de la période de garantie légale

Il est salutaire que les producteurs soient pour la première fois tenus de proposer un service de réparation au-delà de la période de garantie légale de deux ans. Ces réparations devront être effectuées par les producteurs (ou par l’intermédiaire de leurs sous-traitants) gratuitement ou à un « prix raisonnable ». Les consommateur·ices peuvent se voir proposer un produit de remplacement pendant la période de réparation.

Un accès plus équitable aux pièces détachées pour les réparateurs indépendants

Nous saluons le fait que les pièces et les outils (dans la mesure où ils sont disponibles conformément à d’autres exigences législatives) doivent être vendus aux réparateur·ices indépendant·es « à un prix raisonnable qui ne décourage pas la réparation ». Malgré les demandes de la coalition, cette disposition ne fournit aucune indication sur la définition de ce prix « raisonnable ».

Il apparaît comme indispensable que la Commission européenne rédige des lignes directrices sur la signification précise des prix appropriés des pièces détachées afin de faciliter la mise en œuvre de cette exigence pour tous les acteur·ices concernés.

La plupart des consommateurs n’envisagent une réparation que si son coût total est inférieur à 30-40 % de la valeur du produit. Étant donné que le coût d’une réparation donnée se compose généralement du coût de la main-d’œuvre et du coût des pièces détachées (en supposant qu’il n’y ait pas de frais de transport pour le réparateur), il est raisonnable d’estimer que le prix des pièces détachées doit rester inférieur à 15-20 % du prix du produit pour que la réparation ne dépasse pas le seuil critique.

La coalition R2R et HOP se réjouissent par ailleurs de l’interdiction des « clauses contractuelles et des techniques matérielles ou logicielles qui entravent la réparation » pour les produits concernés. La campagne Right to Repair a travaillé sans relâche pour attirer l’attention des décideurs et décideuses politiques sur ces pratiques déloyales.

Cependant, il reste à voir dans quelle mesure les lacunes persistent, car le texte ajoute l’exemption suivante : « à moins qu’elle ne soit justifiée par des facteurs légitimes et objectifs, y compris la protection des droits de propriété intellectuelle en vertu des actes juridiques de l’Union et des États membres ». Cette exemption est très floue et laisse la porte ouverte aux fabricants pour qu’ils continuent à mettre en œuvre des pratiques d’anti-réparation déloyales, notamment celles de la sérialisation.

Amélioration de l’attrait de la réparation dans le cadre de la garantie légale

Afin d’améliorer l’attrait de la réparation (par rapport au remplacement) dans le cadre de la garantie légale, la campagne Right to Repair dont fait partie HOP se félicite que la garantie soit prolongée de 12 mois si les consommateur·ices optent pour la réparation. Dans la plupart des pays de l’UE, la garantie légale sera dans ce cas de trois ans au total, alors qu’elle ne sera pas prolongée si les consommateur·ices optent pour le remplacement. Les vendeur·euses seront tenus d’informer les consommateur·ices du choix entre la réparation et le remplacement et de l’extension de la garantie en cas de réparation. Malheureusement, la disposition initiale qui prévoyait de rendre la réparation d’office prioritaire dans le cadre de la garantie n’a pas été retenue.

Un pas de plus vers des incitations financières nationales à la réparation

Les législateurs et législatrices européen·nes exigent également des États membres qu’ils mettent en œuvre au moins une mesure nationale de promotion de la réparation. Ils proposent une liste non contraignante d’options : le soutien aux initiatives de réparation menées par les communautés ou les campagnes d’information, le financement des programmes de formation permettant d’acquérir des compétences spécifiques en matière de réparation ou des chèques/fonds nationaux de réparation. Ces derniers ont déjà fait leurs preuves en tant que stratégie viable pour améliorer l’accessibilité des réparations et créer des emplois locaux en Autriche, en Allemagne et en France avec le bonus réparation, soutenu par l’association HOP depuis ses débuts en 2021.

Les législateur·ices européen·nes rappellent également aux autorités nationales que le cadre européen permet déjà aux États membres d’appliquer une TVA réduite sur certains services de réparation. Malgré cela, à ce jour, seuls sept États membres ont expérimenté la TVA réduite pour les services de réparation.

Beaucoup d’opportunités manquées

Étant donné que cette directive ne s’applique pas à la grande majorité des produits à courte durée de vie qui inondent le marché de l’UE (tous les autres produits petits et gros électroménagers, appareils mutlmédia, jouets, et bien d’autres), il serait très optimiste d’espérer que ces mesures auront un impact sur l’utilisation des ressources et la production de déchets électroniques.

La liste des autres occasions manquées est longue : la mention du “prix raisonnable” sans en donner la définition, l’interdiction des pratiques de sérialisation qui ne sera en pratique pas effective, l’abandon de la priorité à la réparation dans le cadre de la garantie, etc.

Right to repair et HOP continueront à réclamer des exigences ambitieuses en matière de réparabilité pour le plus grand nombre possible de catégories de produits. Nous continuerons à travailler avec les membres chargés de la mise en œuvre de la directive dans chaque État membre, afin de s’assurer que cette législation et d’autres font réellement la différence pour les consommateurs européens et pour la prévention des déchets électroniques.

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