Une loi pour - enfin - réduire l’empreinte environnementale du numérique

Adoptée au Sénat au mois de janvier, la proposition de loi (PPL) visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France va être examinée prochainement à l’Assemblée nationale. HOP approuve sans réserve l’esprit qui a mené à sa rédaction, qui reprend certaines de ses demandes historiques. L’association alerte les parlementaires sur la nécessité de garder la cohérence et l’ambition actuelles du texte voté par le Sénat, tout en le renforçant sur certains points afin que ses effets soient à la hauteur des enjeux environnementaux et sociaux.

Lutter contre l’obsolescence logicielle pour augmenter la durée de vie des équipements 

Alors que les trois-quarts des émissions de gaz à effet de serre du secteur du numérique en France sont dues aux équipements numériques et à leur utilisation, 80% de cet impact carbone se concentre lors de leur fabrication. Il est donc urgent d’allonger la durée d’utilisation de ces équipements, dont l’obsolescence logicielle est un des facteurs principaux de renouvellement.

Tout d’abord, contre les pratiques d’obsolescence programmée, la loi doit pouvoir protéger les consommateurs. HOP salue la prise en compte par les sénateurs de l’inapplicabilité du délit d’obsolescence programmée, tel qu’il est aujourd’hui défini dans le droit. L’article 6 de la PPL prévoit ainsi l’allègement de la définition de ce délit, supprimant la double intentionnalité. Forte de l’expérience des procès contre Apple et Epson, HOP sait que la rédaction du délit doit être simplifiée pour être applicable.

Mais au-delà des pratiques d’obsolescence programmée, c’est tout un système qu’il faut revoir pour réussir à allonger la durée de vie des appareils numériques.

La loi introduit la séparation des mises à jour non nécessaires (ergonomie, nouvelles fonctionnalités) des mise à jour importantes ou critiques (sécurité et corrections de bugs) dans l’article 8. HOP alerte sur le fait que, pour être vraiment applicable, l’obligation ne doit pas porter sur le seul vendeur de l’équipement, mais également sur l’éditeur de logiciel. Dans les faits, c’est ce dernier qui a réellement la main sur les mises à jour. Cela est vrai également pour l’article 10 introduisant la possibilité de réversibilité des mises à jour non essentielles. Selon HOP, il est également nécessaire de rendre obligatoire la mise à disposition des mises à jour pour une durée minimum de 5 ans.

HOP souhaite aussi que les fabricants contribuent à informer les consommateurs sur les usages pour allonger leur durée de vie tout au long de leur utilisation, pour éviter par exemple, le renouvellement d’équipements qui nécessitent en réalité une simple opération d’entretien ou de nettoyage. Afin de garantir l’efficacité de cette information, ces conseils d’opération de maintenance ou d’entretien pourraient prendre la forme d’alertes visibles directement sur les terminaux durant leur utilisation. L’amendement proposé par HOP dans ce sens a été déposé par le député Mathieu Orphelin.

Dans le même esprit de transparence et pour favoriser le réemploi, HOP souhaite aller plus loin et exige un compteur d’usage, indiquant le nombre d’heures passées sur les équipements numériques, à l’instar du compteur kilométrique sur les voitures.

Sobriété numérique et publicité ne font pas bon ménage 

Il apparaît contradictoire d’investir en faveur du réemploi et de l’allongement de la durée de vie des produits d’un côté et de l’autre d’inciter les services marketing privés à dépenser des milliards pour inciter à acheter toujours plus de nouveaux produits. HOP souhaite renforcer les dispositions introduites par la loi Anti-gaspillage pour lutter contre l’obsolescence culturelle. L’association entend encadrer les contenus publicitaires, de manière à bannir les publicités contraires aux principes de l’économie circulaire et incitant à la mise au rebut d’appareils encore fonctionnels, sans évoquer leur maintenance ou réparation notamment. Rappelons que les plaintes portées devant le Jury de déontologie publicitaire par HOP ont été jugées fondées mais n’ont été suivies d’aucun fait car aucune sanction n’est prévue et les recommandations n’ont pas de valeur contraignante. Il est donc essentiel d’établir une hiérarchie des normes claire et ambitieuse.

Les équipements électriques et électroniques (EEE) étant particulièrement concernés par cette forme d’obsolescence,

HOP souhaite l’ajout d’une mention légale obligatoire sur les publicités d’équipements électroniques et numériques neufs :

“Ne jetez pas un produit si celui-ci peut être nettoyé, réparé, réemployé ou recyclé”.

Massifier le réemploi des équipements numériques 

L’incitation passe aussi par l’exemplarité, HOP demande que le Gouvernement se fixe des objectifs ambitieux de fléchage vers le réemploi des équipements numériques publics sortants.

HOP appelle à maintenir   l’exemption de la redevance  “copie privée” pour les produits reconditionnés (art. 14bis B). De nombreux débats ont lieu sur le sujet suite à la volonté des ayants-droits culturels d’étendre cette redevance au reconditionné. Cela constituerait un grave coup porté au pouvoir d’achat des consommateurs et fragiliserait fortement les acteurs du reconditionnement, principalement des TPE et PME françaises engagées dans les démarche d’allongement de la durée de vie des produits. D’autres modalités de financement des ayants-droits pourraient être envisagées, comme l’application d’une redevance sur les plateformes de VOD par exemple, plus cohérente avec la transition écologique.

Promouvoir la conception responsable des services numériques pour limiter leur empreinte environnementale

Mieux éco-concevoir les sites et services numériques permet de consommer moins de ressources informatiques pour utiliser ces services, et donc de demander des configurations moins puissantes et d’allonger la durée de vie des terminaux. HOP est donc en faveur de la mise en place d’un référentiel d’éco-conception des sites Internet (article 16), mais souhaiterait voir son périmètre d’application élargi, et calqué sur celui de  l’accessibilité web, par exemple, pour lui donner plus d’ampleur.

L’éco-conception web doit aussi s’appliquer aux applications mobiles, car leur gourmandise en ressources informatiques est de plus en plus la cause du renouvellement des terminaux.

De manière à mieux informer le consommateur et sensibiliser les professionnels du secteurs ( designers, graphistes, développeurs…), HOP souhaiterait instaurer une obligation de transparence sur le poids écologique des services numériques et applications afin qu’il soit indiqué dans les caractéristiques de ces services.

HOP a fait part de ces positions à l’occasion d’une audition auprès du rapporteur du PPL  visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France le 10 mai 2021. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire examinera le texte le mardi 25 mai puis en séance plénière début juin. HOP appelle les parlementaires à relever l’ambition de la France en faveur de la sobriété numérique et de la lutte contre l’obsolescence programmée.

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