« Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier la sobriété carbone, la prévention, la résilience qui seuls peuvent permettre de faire face aux crises à venir. » Par ces mots, Emmanuel Macron, lors de son allocution le 13 avril 2020, souligne l’enjeu écologique majeur derrière la sortie de la crise sanitaire actuelle.
La crise inédite que nous traversons révèle les faiblesses de notre modèle économique, soudainement fragilisé par une halte de la surproduction et de la consommation à outrance.
Elle met en lumière notre besoin de résilience. Cette crise est l’occasion, sans revenir au business as usual destructeur pour notre environnement, de transformer la structure de notre modèle pour construire un monde plus durable, respectueux des ressources, du climat et de la biodiversité.
Tandis que certains lobbies industriels profitent de la crise pour demander aux autorités de reculer sur la régulation environnementale, de nombreux citoyens, décideurs et ONG appellent à une sortie de crise plus durable. En effet, si l’on souhaite maintenir le réchauffement climatique en-dessous des 1,5°C, ambition idéale de l’Accord de Paris, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 7,6 % par an chaque année.
Améliorer la durabilité de nos produits participerait à l’atteinte de cet objectif : pour HOP / Halte à l’obsolescence programmée et d’autres associations (350.org, Réseau action climat , Convention Citoyenne pour le Climat…), cette transformation du fonctionnement de notre société doit se faire en faveur d’une économie circulaire. La relance économique annoncée par le gouvernement doit alors amorcer un changement profond vers un système plus écologique, plus social et plus humain. Elle devra permettre de repenser nos modes de production et de consommation afin de sortir de la société du tout-jetable pour aller vers un système vertueux préférant le réemploi, la réutilisation, la durabilité et la réparation des produits. L’allongement de la durée de vie de nos produits doit être au cœur de cette « relance écologique ».
Concrètement, de nombreuses mesures de relance doivent être mises en place pour concrétiser la transition vers une économie circulaire et vers des produits durables et réparables. Cette crise mondiale nous permet par ailleurs de réaffirmer l’importance d’apporter une réponse non seulement nationale mais aussi européenne. Voici les six mesures qui nous paraissent prioritaires.
Maintenir l’ambition de la loi anti-gaspillage
La loi anti-gaspillage, promulguée le 10 février dernier, contient de nombreuses mesures importantes pour améliorer l’information du consommateur et encourager une meilleure conception des produits. La prochaine étape consiste à mettre en œuvre la loi, pour des mesures applicables dès 2021. Si une certaine flexibilité de calendrier peut être compréhensible pour tenir compte des difficultés des entreprises, HOP appelle néanmoins à maintenir le niveau d’ambition de la loi et sera vigilante pour que les mesures soient suivies d’effets, dans l’intérêt des consommateurs et de la planète.
Financer le secteur de la réparation
Le secteur de la réparation concerne aujourd’hui 85 000 emplois et 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ce secteur porteur d’avenir est un maillon essentiel dans la chaine de l’économie circulaire. Or, les réparateurs sont en difficulté, malgré le savoir-faire qu’ils représentent et leur ancrage de proximité sur le territoire : entre 2010 et 2012, le secteur avait perdu 35 000 emplois.
Il est donc plus que jamais nécessaire de soutenir le secteur de la réparation, porteur d’emploi et vertueux sur le plan environnemental.
Le fonds de réparation, prévu par la loi anti-gaspillage, porté et soutenu par HOP, permettra de rendre la réparation moins chère pour les consommateurs. Ce dispositif doit servir d’exemple et nous devons continuer d’engager des projets similaires : il peut être intéressant de réduire par exemple la TVA sur les activités de réparation, comme l’a fait la Suède, au niveau français et européen, ou encore de créer un crédit d’impôt pour les citoyens qui réparent.
Soutenir le secteur du réemploi et de la réutilisation
Développer le secteur du réemploi et de la réutilisation, c’est permettre une optimisation de l’usage de nos produits, et d’éviter de produire neuf lorsque ce n’est pas utile. Les ressourceries, bricothèques, et les autres structures du réemploi doivent être soutenues financièrement. Ainsi HOP propose aux collectivités de créer des bricothèques publiques, de soutenir des projets en lien avec l’économie du partage (boîtes à dons, troc, boutique sans argent…) ou encore de mettre en place des zones de réemploi dans les zones de déchetterie. De nombreuses propositions que nous avions soumises aux candidats pour les municipales de mars et qui permettent de renforcer le tissu social au niveau local.
Investir dans les produits durables et réparables
Si les secteurs de l’énergie, des transports et du bâtiment doivent faire l’objet d’investissements pour la transition écologique, comme l’a souligné l’I4CE, l’économie des produits durables et réparables doit être soutenue au même titre.
De plus en plus d’entreprises françaises et européennes se tournent vers l’allongement de la durée de vie des produits, comme celles du Club de la durabilité. Fabricants de bouilloires durables, distributeurs engagés, vendeurs de pièces détachées ou plateformes de réparation en ligne, ces entreprises constituent un écosystème dynamique à tous les stades du cycle de vie des produits de la conception jusqu’au reconditionnement, qui promeuvent la durabilité dans des secteurs variés : électronique, automobile et même immobilier.
A l’heure de la relance, il est essentiel d’investir dans ces entreprises vertueuses, qui prouvent que l’obsolescence programmée n’est pas une fatalité, et de financer la recherche dans les nouveaux modèles économiques compatibles avec la transition écologique tels que l’économie de la fonctionnalité. Ces politiques vont de pair avec la création d’un cadre favorable à la relocalisation industrielle, afin de pouvoir mieux contrôler la qualité des produits et de créer des emplois en France. Pour ce faire, il s’agit pour l’Etat de renchérir les produits qui viennent de loin (par exemple via une taxe carbone en fonction des kilomètres parcourus) et de soutenir les circuits courts (par exemple via le soutien aux monnaies locales).
Inclure des critères de durabilité dans la commande publique
La commande publique, ensemble des contrats passés par le secteur public, représente 10% du PIB de la France ; elle est ainsi le moyen pour la France de donner l’exemple et d’orienter notre économie vers plus de circularité. HOP propose une obligation de prise en compte de critères de durabilité des produits dans les marchés publics. C’est possible dès aujourd’hui, grâce aux normes existantes, et ça le sera encore davantage demain avec le futur indice de durabilité. De même, il faudrait ajouter de façon systématique une clause de réemploi dans les appels d’offres.
Encadrer la publicité
La publicité doit nécessairement devenir plus limitée et responsable : Il n’est plus acceptable, à l’heure actuelle, d’inciter à la surconsommation.. De ce fait nous proposons d’appliquer une éco-taxe sur la publicité : les entreprises faisant la promotion d’achat de produits neufs doivent contribuer financièrement à un fonds d’éducation et d’informations à la consommation responsable. Avec une publicité plus onéreuse et des règles plus strictes, nous pourrons sortir progressivement de ces injonctions permanentes à consommer ce dont nous n’avons pas besoin.
Il y a de nombreuses autres mesures et actions possibles à engager afin de bâtir une société moins obsolète et plus circulaire, par exemple en stimulant le marché de l’occasion, encadrant l’obsolescence logicielle ou encore en renforçant les garanties légales. Des propositions que vous pouvez retrouver dans le livre blanc de HOP, publié en février 2019.